POKER FACE
Joker se révèle un plaidoyer pour les corps intermédiaires et pointe du doigt un système social qui part en faillite, où les plus faibles sont laissés-pour-compte. Bien entendu il faut y voir une métaphore de notre monde contemporain, avec des résonances y compris dans l’Hexagone et le mouvement des gilets jaunes. Une critique juste et acerbe de la violence symbolique de la finance et des médias.
Car Joker dépasse bien le simple cadre du film hollywoodien et s’inscrit davantage dans une veine autorisante, avec des influences assumées à l’instar de Martin Scorsese (« La valse des Pantins »).
Au-delà de la performance hallucinante de Joaquin Phœnix, le long-métrage de Todd Philips explore avec brio le délitement d’une société qui n’a plus de filet de sécurité pour soigner les dérives, le développement de la folie ou encore la radicalisation.
Le réalisateur assume volontiers une esthétique trash, qui n’a rien à envier à la noirceur des adaptations de Batman signées Christopher Nolan. À ce titre, de par ces côtés sombres, le cinéaste ne choisit en aucun cas le chemin de la facilité, et prouve avec un éclatant panache que l’on peut réaliser des grosses productions sans effets spéciaux.
Grand film, Joker ancre son histoire dans la réalité très proche de celle des périphéries de la Grosse Pomme
Il faut dire que la performance et l’interprétation dantesque de Joaquin Phœnix porte à lui seul le film. Difficile de rivaliser en superlatifs tant la prestation du comédien dévoile une riche palette entrevue déjà dans Two Lovers de James Gray (Ad Astra), ou l’acteur flirtait déjà avec la folie.
À l’instar de Jim Carrey, son visage élastique passe en une fraction de seconde du rire aux larmes, dévoilant toute l’étendue de sa palette de jeu et de son talent.
Todd Philipps procède comme dans un tableau par petites touches subtiles pour dépeindre tout en nuances la déchéance d’un homme qui sombre peu à peu dans la folie. Ce qui n’aurait pu être une performance d’acteur est soutenue par un scénario solide, une mise en scène qui joue habilement le contraste entre petits et gros plans, avec un directeur de la photo nous immisçant dans un univers chaotique, dans une cité infestée par les rats et l’insolence des puissants.
Grand film, Joker ancre son histoire dans la réalité très proche de celle des périphéries de la Grosse Pomme : coupe de budget dans les services publics, mouvement de protestation contre les riches. Cette spirale infernale qui mène vers la psychose.
Inquiétant et dramatiquement intense, Joker demeure une totale réussite. Grandiose.
Hervé Troccaz
SOEURS D’ARMES de Caroline Fourest avec Amira Casar, Camélia Jordana
LE PROPOS
Deux jeunes françaises, Kenza et Yaël, rejoignent une brigade internationale partie se battre aux côtés des combattantes Kurdes. Leur quête croise celle de Zara, une rescapée Yézidie. Issues de cultures très différentes mais profondément solidaires, ces Sœurs d’Armes pansent leurs blessures en découvrant leur force et la peur qu’elles inspirent à leurs adversaires.
MON AVIS
Avec un sujet aussi brûlant Caroline Fourest aborde un thème d’actualité pour réveiller les consciences endormies et nous faire réagir. Rares sont les films de guerre qui glorifient ces combattantes exceptionnelles . A ce titre cela vaut d’être souligné et admiratif de leur courage. Ce « Sœurs d’armes » est un film explosif, beau et émouvant . A n’en point douter, le format « film d’action » à l’image des » Rambos américains » plaira aux plus jeunes. A priori, cette histoire inspirée de faits réels, n’en est pas moins poignante, profondément exaltante. Voilà un film qui vous bousculent et nous fait réfléchir à la notion d’héroïsme,
Très documenté, le scénario écrit par Caroline Fourest pêche encore par ses clichés, son récit ultra-démonstratif qui se veut volontairement féministe au plus haut degré. Dommage que certaines scènes spectaculaires prennent l’allure de spots publicitaires alors que les enjeux sont ailleurs.
La mise en scène au rythme soutenu est appuyée par une musique qui colle à la narration mais manque parfois de réalisme et à ce titre perd en qualité et intensité. Heureusement que les actrices sont très convaincantes à l’image, avec une mention spéciale pour Amira CASAR .
Gérard SERIE
DONNE-MOI DES AILES de Nicolas Vanier avec Jean-Paul Rouve, Mélanie Doutey, Louis Vazquez
LE PROPOS
Christian, scientifique visionnaire, étudie les oies sauvages. Pour son fils, ado obnubilé par les jeux vidéos, l’idée de passer des vacances avec son père en pleine nature est un cauchemar. Pourtant, père et fils vont se rapprocher autour d’un projet fou : sauver une espèce en voie de disparition.
MON AVIS
De la Camargue jusqu’en Norvège en passant par la baie de Somme, Nicolas Vanier nous livre une merveilleuse odyssée aérienne qui va se doubler d’une réconciliation familiale un peu convenue, mais bon. Au -delà de sa portée écologique et ses images à couper le souffle, Le réalisateur nous livre aussi un récit initiatique inspiré d’une histoire vraie, qui explore la relation père / fils et la notion de transmission entre générations avec une infinie tendresse.
Après un début de film volontairement lent pour nous laisser apprécier la beauté du monde , l’histoire prend corps dans sa seconde moitié. Louis Vazquez est parfait dans son rôle. Jean-Paul Rouve en professeur Nimbus écolo un tantinet farfelu et Mélanie Doutey en mère attentive effectuent une prestation remarquable.
La réalisation empreinte d’une poésie incroyable ne manquera pas d’émerveiller les enfants et de toucher au plus haut point les adultes les plus récalcitrants.
Voilà une belle leçon de persévérance et d’amour entre l’homme et l’animal et une aventure humaine hors du commun
Gérard SERIE
MON AVIS
A mon humble avis, au sujet du personnage et du film de genre, rien n’a été fait de mieux jusqu’à présent; .
C’est un film politique coup de poing remarquable, qui se veut réaliste sans jamais prendre à parti le spectateur et qui malgré ses imperfections, « Joker » est un véritable séisme pour les films du genre. Un brûlot radical contre les médias, les élites politiques et la société retournant le rêve américain en cauchemar brutal, sanglant et macabre.
Grâce à une mise en scène étonnante, sèche et puissante, son réalisateur Todd Philips réussit à nous amener dans une ambiance anxiogène, où la société de Gotham est en perdition, ravagée par le désespoir et la cruauté.
Joaquim Phoenix est exceptionnel dans ce rôle taillé pour lui comme un costume sur mesure. Il exécute une nouvelle performance hallucinante, comme possédé par le mal.
Les spectateurs ressortent de la projection complètement sonnés, estomaqués et interloqués. Un pure chef-d’oeuvre.
Gérard Sérié
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