BLANC OU NOIR
« Pour une fois ce n’est pas le blanc qui pigeonne le noir »
Le propos
Un salon bourgeois. Ruben et Mathilde ont invité Daniel et sa femme Corinne à dîner. Daniel a un projet d’entreprise au Congo. Il a besoin de Ruben pour entrer en contact avec le ministre compétent. Ce soir là, le ministre annonce à Ruben que le chantier public a été accordé au chinois……
Le décor
Très épuré avec son blanc virginal dominant, il sert d’écrin et symbolise l’homme Blanc européen par opposition au mobilier noir qui représenter la couleur de l’Afrique. Il sied bien au propos de cette comédie grinçante.
Commentaires
Entre Marx et Feydeau, l’auteur Rémi De Vos frappe fort avec son art raffiné du dialogue percutant et son humour percutant , il pose un regard féroce sur la faillite de l’homme blanc en Afrique.
C’est une pièce miroir qui nous renvoie à notre propre histoire coloniale, mais aussi à l’état du monde aujourd’hui et au rôle de l’Occident dans la pagaille généralisée dont les échos proches ou lointains nous parviennent à chaque seconde.
À l’effondrement des piliers économiques répond l’effritement des couples. Comme dans « Occident » (autre pièce de l’auteur) , la sphère politique et celle de l’intime sont étroitement liées. Frustrations sexuelles, unions désassorties, usées, et qui ne résistent que par l’attrait mutuel pour l’argent ou la position sociale. Mais dans la version de Rémi De Vos, la débâcle amoureuse, elle aussi, suscite plus le rire que les larmes.
Pour mettre en scène cette pièce Frédéric Dussenne tire les ficelles de cette farce cruelle sans tomber dans la caricature en orchestrant les rythmes de manière à maintenir la tension jusqu’à l’explosion finale.
Du coté des interprètes, on perçoit d’emblée dans le jeu des comédiens, du couple Ruben -Mathilde l’homme d’affaires cynique, glaçant avec sa femme Mathilde, réduite à ce rôle de belle potiche ,commun à beaucoup de compagnes d’expatriés.
Quant couple Daniel-Corine, qui affiche un amour démesuré pour l’Afrique, alors que son discours ne reflète que racisme, peur et goût du profit, il est aussi risible que pitoyable comme le précédent . Leur désarroi est un des ressorts comiques de la pièce, de même que la comédie sociale des apparences qui se joue entre deux verres de whisky.
Face aux maîtres blancs : les deux domestiques noirs, Louise et Panthère. Jeunes et sensuels, ils incarnent le fantasme (blanc) d’une Afrique à la sexualité torride et ne tarderont pas à enflammer les désirs des uns et des autres, avec au final la revanche d’une nouvelle génération qui refuse la soumission de ses aînés.
Fidèle à ses complices de plateau, Frédéric Dussenne a choisi de retravailler avec les deux acteurs d’ »Occident ». On retrouve donc avec bonheur Valérie Bauchau en grande bourgeoise, épouse frustrée dont l’élégance un peu froide cache une nature passionnée. À ses côtés, Philippe Jeusette incarne parfaitement, par sa forte présence, la veulerie de Ruben, son caractère violent et méprisant. Benoît Van Dorslaer campe un Daniel mesquin et vulgaire, homme d’affaires au petit pied, face à Stéphane Bissot, Corine naïve et godiche. L’excellent Ansou Diedhiou joue subtilement le réalisme flegmatique du ministre congolais. Pour les rôles des domestiques, le metteur en scène a fait appel aux talentueux Pricilla Adade et Jérémie Zag
Gérard Sérié
BOTALA MINDELE de Rémi De Vos. Du 16 au 26 mai 2018 au Théâtre des Célestins
Mise en scène Frédéric Dussenne.
crédit photo Thomas Ehretsmann