THEÂTRE
CAP SUR LE OFF D’ AVIGNON
Beaucoup plus intéressant que le In et surtout moins élitiste par la diversité et la profusion des 1592 propositions de cet été 2019 , ie Off nous permet d’arriver parfois à la découverte de quelques pépites théâtrales. Voici mes toutes premières émotions.
Théâtre des BELIERS 53 rue du portail Magnanen 04 90 82 21 07
INTRAMUROS de et Mise en scène Alexis Michalik avec Ariane Mourier, Raphaël Bancou, Marie Sambourg, Christpher Bayemi, Hocine Choutri, Johann Dionet
LE SUJET
Richard , un metteur en scène sur le retour , vient animer son premier atelier théâtre en milieu carcéral. Il espère une forte affluence mais seuls deux détenus se présentent. Le premier est un jeune chien fou tandis que le second Ange, la cinquantaine mutique, n’est là que pour accompagner son ami d’infortune. Richard , secondé par son ex-femme et une assistante sociale inexpérimentée accepte néanmoins de donner son cours ..
MON AVIS
Construit sur le même principe que sa pièce Le porteur d’histoire pour l’écriture et la mise en scène , il fallait tout le talent de l’auteur et la virtuosité de ses comédiens pour réussir ce joyau . Tout est réglé au millimètre et les morceaux de vie du quotidien qui s’enchainent à une vitesse folle sous nos yeux, construisent l’histoire et les relations entre les personnages dans ce huis clos carcéral. C’est surprenant, fort et magique au niveau des émotions suscitées par le jeu de chacun des interprètes . Tous les changement de situations se font à vue dans une sorte de chorégraphie étudiée. La part d’humanité qui se dégage de ce spectacle est prodigieuse de sens. Entre conte et réalité tangible, la violence et la solitude des condamnés s’expriment même si l’humour en arrière plan est toujours là . C’est une pièce émouvante, parfois drôle, voire palpitante, provoquée par le dédoublement des personnages-acteurs, au prise avec leur destin. A voir absolument !
Gérard SERIE
LE CAPITOLE 3 rue Pourquery Boisserin AVIGNON 04 90 02 23 46
LA FOLLE HISTOIRE DE FRANCE de et avec Farhat Kerkeny et Nicolas Pierre Mise en scène Boutros El Amri
SUJET
Un cours d’histoire avec un prof et un élève pas comme les autres…
MON AVIS
Dès l’accueil en salle , les spectateurs sont invités par le prof d’ histoire sur scène à se transformer en collégiens d’une classe de 5e . Après l’appel, les collégiens désignent à l’unanimité leurs deux délégués de classe qui les représenteront et surtout surveilleront en son absence les potaches turbulents . Le thème du jour porte sur la Guerre de Cent ans. Le prof débute son cours et comme à son habitude, éternel retardataire, le pire cancre de la classe , redoublant multirécidiviste cumulant 20 ans de 5e , débarque en plein cours. L’impertinent n’hésite pas pendant tout le cours à apostropher prof et camarades au point où l’on peut mesurer l’étendu des méconnaissance historiques des apprenants à travers les réflexions du cancre de service. C’est pour nous spectateurs, l’occasion de réviser les évènements historiques appris autrefois et déjà oubliés et plus le prof détaille les faits, plus le cancre va enchaîner les pitreries et plus l’Histoire bascule dans la folie. C’est drôle, bien enlevé sans temps morts. La mise en scène bien réglée laisse place aussi à des plages d’improvisation qui permettent une interaction entre les comédiens et les spectateurs. Après avoir comblé les lacunes de chacun, notre cancre de service fantasme sur la prof de français en s’inventant une histoire d’amour improbable . Tout s’achève dans la bonne humeur grâce au talent des comédiens qui ont sus capter et distraire l ‘auditoire. A voir sans modération
Gérard SERIE
LES PARENTS VIENNENT DE MARS ET LES ENFANTS DU MCDO Mise en scène et avec Rodolphe Le Corre ou Gabriel Laborde, Romain Henry ou , Emeric Bellamoli,, Caroline Misback ou Mégane Chalard
LE SUJET
Un père se retrouve seul pour élever ses deux petits enfants. après une séparation avec son ex.
De la petite enfance à l’âge adulte de ses progénitures tous les problèmes liés aux différentes périodes de leur existence sont vécus par le père comme une source de découvertes…
MON AVIS
Ainsi décrite, cette comédie délirante dans tous les sens du terme nous a fait pleurée de rire du début à la fin. Le texte et les situations sentent le vécu. Les répliques hautes en couleurs qui fusent sans interruption avec un humour ravageur donnent le tempo. La mise en scène alerte et efficace ajoute sa touche à l’ensemble. Quant au jeu naturel du trio de comédiens , là nous frisons le chef-d’oeuvre du genre. Plus vrai que nature, ils n’interprètent pas des personnages , mais ils sont : un père dépassé par les évènements avec ses deux affreux jojos qui le tournent en bourrique, avec la satisfaction des enfants terribles qui s’amusent de leurs mauvaises blagues. De la fille délurée au fils complètement barré, le public ravi et hilare en redemande. Mais derrière la farce dont on a forcé le trait , il y a beaucoup de tendresse et d’amour entre eux. Avec les scènes des devoirs de maths expliqués par le père à Lulu ou l’utilisation d’un ordinateur par cet adulte peu doué en informatique on atteint des sommets surréalistes du quotidien. Tout est parfait . Ne manquez surtout pas ce petit bijou, sorte de thérapie familiale qui boostera votre moral pendant et après avoir assisté à ce spectacle
Gérard SERIE
LE QUATRIEME MUR – utopie et fraternité d’après Sorj Chalandon.
Adaptation et mise en scène Nicolas « Tiko » Glemza Cie » Les Asphodèles »
LE SUJET
Samuel Akounis, metteur en scène, grec et et juif en exil en France , a une idée aussi belle qu’utopique: aller monter la pièce de Jean Anouilh « Antigone » à Beyrouth, dans un Liban déchiré par la guerre avec les belligérants de chacun des camps……
MON AVIS
Avec ce Quatrième muroù « la guerre est folie et la paix doit l’être aussi », Sorj Chalandon, à déjà signé un roman d’une puissance d’écriture bouleversante et magistrale .
L’adaptation est cependant particulièrement noire, ne laissant aucune place à l’espoir, là où l’initiative en elle-même devait être une véritable lueur.
En la portant à la scène, la compagnie des Asphodèlesdonne corps et âme à cette histoire de larmes et de sang qui parait à premier abord utopique parce qu’ utilisant l’art contre la guerre.
Le propos est très intéressant, l’histoire est forte mais aussi un peu folle et pour la retranscrire sur scène ,le metteur en scène a eu l’intelligence de gommer tous artifices de décor en utilisant que des éléments et des accessoires, des changements de costumes à vue, en chorégraphiant certains passages du récit, en utilisant les chants des interprètes comme des lamentations et en privilégiant la sobriété pour mettre en valeur la force des mots.
Avec une maîtrise technique parfaite, tous les comédiens réussissent une prestation brillante, faisant voler en éclat ce 4e mur et plaçant les spectateurs au coeur du dispositif de cet excellent spectacle.
Voilàun théâtre de combat en écho aux larmes de Beyrouth , qui est encré dans la représentation du monde tel qu’il est : vrai, dur, émouvant, et bouleversant à la fois.
Gérard SERIE