71e FESTIVAL DE CANNES du 8 au 19 mai 2018
Pour vivre Cannes une première fois il faut savoir que dès son ouverture, la grande messe du cinéma prend ses quartiers sur la Croisette. Une foule compacte envahit la très vite la ville, le Palais du Festival où se dérouleront une partie des projections des films en compétition, ou dans les sections parallèles est pris d’assaut par les quelques 3000 journalistes. Selon la couleur des badges accrochés au cous des festivaliers, les accès aux salles sont limités en fonction de l’appartenance de chacun : professionnels du 7e art, cinéphiles, invités, journalistes, médias nationaux ou internationaux.
La première image qui s’offre à nous en arrivant , c’est l’afficheofficielle du festival griffée de l’incontournable Palme d’or. Elle est placardée sur la façade surplombant le tapis rouge, qui recouvre l’escalier que fouleront les artistes lors de la montée des marches. Cette année les organisateurs ont retenus une photo de plateau du mythique film « Pierrot le fou » (1965) de Godard , pour illustrer la 71e édition. Elle est solaire et rend certainement hommage à la jeunesse où Belmondo et Karina échangent un chaste baiser. Si l’on va plus loin dans l’analyse de ce visuel, nous remarquerons le clin d’oeil à Mai 68.
Passé ce détail purement esthétique, les choses sérieuses commencent avec la sélection officielle et les films en compétition . Tous les festivaliers attendaient les Audiard, Sorrentino, Dolan et autres grands réalisateurs, mais le festival en décida autrement en misant sur l’audace et la prise de risque.
Quand on prend de la hauteur et que l’on regarde le fonctionnement de Cannes dans les moindres détails, nous constatons outre les petits scandales orchestrés par la presse, les soirées mondaines, le lieu où l’on se montre, la plage, les interviews radio et télé…que la manifestation sert de plus en plus de vitrine aux grandes marques françaises du luxe qui se servent de la médiatisation mondiale du festival pour venter leurs produits..
Seule petite ombre au tableau du Festival. il rendra cette année un hommage tout particulier au cinéphile, historien et réalisateur Pierre RISSIENT disparu récemment à l’âge de 81 ans. Depuis plus de cinquante ans, Pierre était l’un des éléments les plus importants de la communauté cannoise et d’un Festival qu’il avait aidé de toute sa belle énergie à présenter les cinémas venus des pays les plus lointains.
Cérémonie d’ouverture
Pour la cérémonie d’ouverture, pouvions-nous rêver d’un couple plus glamour ?
Les Espagnols Penélope Cruz et Javier Bardem monteront les marches du célèbre Palais du Festival pour le film «Todos lo saben» (Everybody Knows) de l’iranien Asghar Farhadi («Une Séparation»).
Ils sont beaux, intelligents et cinéphiles.
Deux mots sur l’histoire : « A l’occasion du mariage de sa soeur, Laura revient avec ses enfants dans son village natal au coeur d’un vignoble espagnol. Mais des évènements inattendus viennent bouleverser son séjour et font ressurgir un passé depuis trop longtemps enfoui. »
Comme toujours, après la projection les avis sont partagés et les critiques bonnes ou mauvaises fusent de toutes parts .
En ce qui concerne «Todos lo saben» (EVERYBODY KNOW) voici mon humble avis : « Todos lo saben » est un thriller psychologique, dans lequel Farhadi met en place des situations tragiques, où règne en permanence la suspicion entre les protagonistes. Chacun, à un moment ou à un autre, peut devenir suspect et avoir des raisons de commanditer l’enlèvement de la fille de Laura (Pénélope Cruz) et demander une rançon. Même si l’on reconnait que Farhadi a ce don particulier de filmer la vie, simplement, sans artifice, comme une véritable ode avec l’arrivée de Laura et de ses enfants dans ce village natal, force est de constater que le réalisateur tente de manipuler le point de vue des spectateurs par ajout successifs d’indices qu’il distille adroitement. Après une première heure presque magistrale, le film, découpé en deux parties bien distinctes, laisse présager la fin. Dommage ! La réalisation est parfaite et le scénario d’une écriture intelligente recèle des trouvailles narratives qui maintiennent le suspens du début à la fin. Tous les acteurs sont excellents dans ce huis clos familial et traité surtout de manière théâtrale.
21 films en compétition
Vingt-un films figurent en compétition cette année. Parmi ceux-ci, quatre films français, «En guerre» de Stéphane Brizé , «Plaire, aimer et courir vite» de Christophe Honoré, Yann Gonzalez «Un Couteau dans le coeur» et «Les Filles du soleil» d’Eva Husson.
Le Japon représentés deux fois avec les films de Hirokazu Kore-Eda «Shopliferts» et de Ryusuke Hamaguchi «Asako I & II, les Etats-Unis, avec ceux de David Robert Mitchell «Under The Silver Lake» et Spike Lee «Blackkklansman», l’Iran, avec «Todos Lo Saben» d’Asghar Farhadi ( en ouverture)et «Three Faces» de Jafar Panahi . l’Italie, avec ceux de Matteo Garrone «Dogman» et de Alice Rohrwacher «Lazzaro Felice».
Le jury
Le jury sera présidé cette année par la lumineuse Cate Blanchett assistée par Chang Chen, Ava DuVernay, Robert Guédiguian, Khadja Nin, Léa Seydoux, Kristen Stewart, Denis Villeneuve, Andrey Zvyagintsev (acteurs, réalisateurs, producteurs, scénaristes).
Arrêtons-nous trente secondes sur l’ impressionnante carrière de l’australienne Kate Blanchett née le 14 mai 1969 à Melbourne : 184 nominations, 149 prix, 2 oscars et 3 golden globes. Sans évoquer toute sa filmographie avec pas moins de 50 films plus 4 en 2018 , elle tourna dans « Aviator » (2004) de Martin Scorsese et « Blue Jasmine » (2013) de Woody Allen.
Après la projection d’un montage des films en lice pour la Palme d’or 2018, la chanteuse Juliette Armanet a rejoint la scène pour interpréter Les Moulins de mon cœur, titre composé par Michel Legrand et Oscar de la meilleure chanson originale en 1969.
Dans le Grand Théâtre Lumière, le 71e Festival de Cannes a été déclaré ouvert d’une même voix par Martin Scorsese et Cate Blanchett. La verve enthousiaste d’Edouard Baer, Maître des Cérémonies accompagné au piano par Gérard Daguerre, a donné le ton d’une édition sous le signe de l’inspiration.
A l’intérieur et au sous sol du Palais une certaine effervescence règne dans les allées du Marché du Film. C’est là que les stands des maisons de productions mondiales tiennent salon et où les affaires et les contrats se concrétisent entre professionnels.
Comment décrire d’un mot Cannes, qui reste le plus grand festival mondial ? L’image d’une ruche est la plus représentative et la plus parlante me semble-t-il, avec toutes les sections parallèles à la sélection officielle : un certain regard, la quinzaine des réalisateurs, où cette année figurent deux films produits par Rhône-Alpes Cinéma et tournés en région lyonnaise : AMIN de Philippe Faucon avec Moustapha Mbengue et Emmanuelle Devos( « Fatima » César du meilleur film ) et NOS BATAILLES de Guillaume Senez avec Romain Duris, Laetitia Dosch et Laure Calamy, sélectionné en Séance spéciale à la Semaine de la Critique, la Ciné fondation.
L’homme qui tua Don Quichotte
En clôture du festival. Rien de mieux qu’un film «maudit» tel que «The Man Who Killed Don Quixote» (l’homme qui tua Don Quichotte) de Terry Gilliam. Pour de sombres questions juridiques et surtout de gros sous entre Paulo Branco,le producteur initial en 2000 et ceux qui ont repris le projet, ce film a failli ne jamais arriver sur les écrans cannois. Heureusement que le tribunal de Paris a rendu son verdict au profit du Festival de Cannes et sera projeté dans le Palais le 19 mai.
Gérard Sérié