Après 67 ans d’une carrière bien remplie au théâtre comme au cinéma, on ne présente plus cet immense acteur discret et pudique qui a collectionné tous les trophées : Ours d’argent à Berlin (68), prix d’ interprétation (69), Palme d’or (2012) et César du meilleur acteur (2013)
Même si l’âge est là, Jean-Louis Trintignant n’a rien perdu de sa superbe, ni de son timbre de voix inimitable et si particulier qui raisonne encore et toujours sur la scène d’un théâtre, au rythme des sonorités musicales qui habillent merveilleusement ces paroles.
Avec Daniel Mille, son complice musicien, c’est une amitié artistique qui dure depuis longtemps. Il y a dans ce spectacle où l’accordéon est accompagné par un trio à cordes composé de Grégoire Korniluk, Paul Colomb, Frédéric Deville (en alternance avec Jérôme Huille), Diego Imbert. Un accord formidable entre la musique et les paroles. Par petites touches ici et là, tel un peintre des mots subtils qui ont du sens, il tisse la toile d’histoires courtes qui nous enchantent.
En lisant ces poèmes, Jean-Louis Trintignant parle beaucoup d’amour, de la mort. Oui, il y a aussi un sens politique aigu dans ses choix et son engagement. Sa passion pour la poésie et des poètes libertaires comme Prévert, Boris Vian, Robert Desnos ou des textes de jules Laforgue, est encrée en lui depuis ses débuts. On sent en l’écoutant qu’ il regrette déjà de devoir s’arrêter à cause de l’âge, alors qu’il rêve à tant de textes à dire encore et encore. Dans ce dernier spectacle, où il fait ses adieux à la scène, le spectateur attentif remarquera au passage un très joli texte de son petit fils Paul Cluzet et ceux écrits spécialement par Daniel Mille. Mais il y en a un qui lui tient particulièrement à coeur et qu’ il prend plaisir à nous dire en martelant chaque question :
Combien ça coûte un kilomètre d’autoroute ?
Combien ça coûte un grand stade à footballer?
Combien ça coûte Un char Leclerc ?
un exocet ?
un cocktail ministériel ?
les grands travaux présidentiels ?
Combien ça coûte ?
Combien ça coûte l’indigence ?
Combien ça coute la détresse ?
Combien ça coute L’indifférence ?
Dans notre beau pays de France.
Après une telle déclaration d’une incroyable résonnance, habillés de la musique syncopée de Piazzolla, avouez que l’artiste nous gâte et nous touche au plus haut point. Si à chaque fin de spectacles les tonnerres d’applaudissements du public retentissent dans la salle, c’est pour lui dire MERCI et lui témoigner notre affection indéfectible.
Gérard Sérié
Crédit photo : Thomas Ehretsmann et Sante Castignani
Trintignant Mille Piazzolla au Théâtre des Célestins du 15 au 22 mai 2018