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THEÂTRE
FESTIVAL LES ENTÊT.E.S du 28 juin au 10 juillet 04 78 25 27 59
théâtre de verdure Espace Valdo 69005 LYON
Sur place POINT DU JOUR 7 rue des Aqueducs Ma 9h30 à 13h / Me et Jeu 16h à 19h
AU PROGRAMME pas moins de 4 spectacles
MA LANGUE MATERNELLE VA MOURIR ET J’AI DU MAL À VOUS PARLER D’AMOUR
LE PROPOS
Comme autrefois dans les campagnes françaises, notre troubadour des mots et patois nous convie à une veillée dans l’ intimité de cette salle du centre Pierre Valdo à LYON 5e..
Sans prendre garde cet explorateur du langage déboule sur l’espace scénique, l’oeil rieur avec un brin de malice qui illumine son visage pour nous saluer et se présenter de manière tonitruante :
» Ladies and Gentlemen, let me introduce myself. I’m Yannick Jaulin , born and raised in patois… «
Déjà le titre de son spectacle: conférence-concert parlé – tribune intime et universelle, comme il se plait à le définir, exhale un parfum poétique qui fleure bon les trésors de la culture orale aux pensées de Bourdieu , Nathan ou Barthes sur la défense des langues régionales en compagnie du musicien Alain LARRIBET
Dans cette exploration caustique et révoltée nos deux acolytes Yannick Jaulin et Alain Larribet qui chérissent les langues dites minoritaires, nous rappellent par la parole ou le chant qu’en effaçant une langue on efface le génie d’un peuple et que le pouvoir politique appartient à celui qui maîtrise le langage.
En partant de ce postulat, Yannick Jaulin tord le coup au idées reçues avant de développer son argumentaire avec force et conviction pour nous dire avec un humour débordant , comment en partant du latin, langue unique parlée par les élites en France jusqu’au XVIe siècle , nous en somme arrivés par la suite à cette langue française universelle à partir d’un brassage du grec et des patois régionaux.
Pour frapper d’entrée l’esprit des spectateurs, il dégoupille et balance telle une grenade avant l’explosion, un mot connu de tous et dont la connotation péjorative ne nous échappera pas , il veut parler du PLOUC !
Ce serait quoi un plouc ?
Telle est la question et la réponse de ce Tartuffe qui parle la langue des nouveaux maîtres pour marquer son rang , devant le plouc français qui avant ne parlait que patois
De la langue maternelle, dernier bastion du langage unique reçu en héritage à la langue , outil de domination en passant par le patois actuel de banlieue qui colore de plus en plus notre société qui tente de se protéger en se barricadant par peur de l’autre , il glisse son propos jusqu’à Camille Truteau, l’idiot du village.
Et là, nous spectateurs, assistons à un grand moment d’intelligence et de poésie quand il évoque avec fascination et une infinie tendresse qui réveille en nous tant d’émotions parce que ce « dégénéré » de la société , fou heureux des petits villages, est dans son genre un philosophe au langage incompréhensif des paysans et villageois
A chacune de ses pauses l’ autre troubadour reprend le relais avec des chants en live .originaux en patois du Béarne et musiques qui nous bercent et nous charment. C’est d’une beauté incroyable.
Ma langue maternelle va mourir – Critique
Avec ce spectacle entre conte et concert qui est parlé, chanté, joué, dansé, Yannick Jaulin et son complice musicien Alain Larribet s’en donnent à coeur joie pour nous enchanter en dissertant et en digressant sur la langue.
Oui, mais quelle langue ?
Celle venue du latin et du grec ou celle parlée des patois français qui fleurent bon les campagnes ?
Voici le joyeux pari que s’est fixé Yannick Jaulin à travers cette fabuleuse histoire des langues, pour trouver le chemin de sa propre identité.
Baroud d’honneur d’un parlé minoritaire, ce spectacle est aussi et avant tout une vibrante déclaration d’amour à la parole et aux mots. Il n’hésite pas avec bonheur à mettre des mots sur les siens, sur son héritage, sur la honte du patois, sur la résistance à l’uniformisation, sur la jouissance d’utiliser une langue non normalisée, pleine de sève et de jeunesse du monde.
En moins de deux heures il explore toutes les facettes de la langue devenue française et universelle, construite à partir des patois parlés autrefois en campagne ou aujourd’hui dans les banlieues urbaines.
Ma langue maternelle va mourir : une jouissance langagière
Ce spectacle est comme une jouissance langagière partagée sur un plateau frugal.
Un rendez-vous incontournable comme un jardin vivifiant et curatif qui interroge la domination linguistique mais qui surtout nous raconte la fabuleuse aventure des langues du monde.
A bien y regarder le propos est éminament engagé et politique sur les dominations, mais ô combien réaliste qui nous touche, nous surprend, mais surtout nous invite à un voyage initiatique .
Au final, une soirée d’émotion, un petit baroud d’honneur des minoritaires pour tout public.
Gérard SERIE