Après les Touaregs, Fêtes Himalayennes ou encore Hugo Pratt, Le musée des Confluences vous présente sa nouvelle exposition « Coléoptères, insectes extraordinaires ».
Elle ouvrira au public à partir du 21 décembre prochain.
De la coccinelle au scarabée atlas en passant par le doryphore et la luciole, les coléoptères nous impressionnent par leurs dimensions ou leurs capacités étonnantes.
Présents sur la totalité du globe à l’exception des pôles et des mers, ces insectes font partie de notre quotidien. Ils sont à l’origine de nombreux mythes et croyances à travers le monde.
En associant les regards scientifiques et artistiques, cette exposition vous propose de (re)découvrir ces créatures extraordinaires.
Puisant dans l’incroyable collection entomologique du musée des Confluences, l’exposition propose de découvrir ces insectes si communs, aux caractéristiques pourtant extraordinaires. A l’exemple du scarabée bombardier, capable de projeter un jet de vapeur à plus de 100 °C, si les coléoptères font preuve de capacités étonnantes, ils nous surprennent aussi par l’esthétisme de leurs formes et de leurs couleurs.
Nous entretenons des rapports complexes avec les coléoptères. Ravageurs ou auxiliaires de culture dans les champs, ils sont aujourd’hui envisagés comme une ressource alimentaire alternative. Dans la plupart des sociétés, ils font aussi l’objet de croyances et de représentations : alors que la « bête à bon Dieu » porte bonheur en Occident, certains coléoptères sont la manifestation de magie noire en Afrique. D’autres révèlent l’âme des défunts, telles les lucioles, dont la contemplation nocturne est un plaisir esthétique apprécié des Japonais.
A la croisée des sciences naturelles et de l’ethnologie, cette exposition associe l’expérience sensible aux données scientifiques, et par l’émerveillement, nous invite aux savoirs.
Le parcours de l’exposition
Guidé par le bourdonnement d’un vol de coléoptères, le visiteur entre dans l’exposition où l’exploration scientifique le conduira aux portes de l’imaginaire. Constituée de nombreux spécimens, de documents historiques, d’objets ethnographiques et d’œuvres d’art, l’exposition invite à découvrir au plus près les coléoptères.
Fiche d’identité
Depuis leur apparition, les premiers fossiles remontant à – 250 millions d’années, les coléoptères ont fait la preuve de leur extraordinaire pouvoir d’adaptation à leur environnement. Sachant exploiter les ressources alimentaires disponibles, ils sont devenus l’un des groupes animaux les plus importants sur Terre avec près de 387 000 espèces recensées, présentes sur tous les continents à l’exception de l’Antarctique.
Morphologie
Parmi les insectes, la particularité du coléoptère est de disposer d’une paire d’élytres : ces ailes dures recouvrent et protègent les ailes membraneuses qui lui permettent de voler. Elles lui ont valu le nom de coléoptère, tiré du grec koleos « étui » et pteron
« aile ».
Le reste de son anatomie est composé comme tous les insectes de trois grandes parties :
- – la tête, portant les yeux, les antennes et les pièces buccales ;
- – le thorax, comprenant trois paires de pattes et deux paires d’ailes ;
- – l’abdomen, contenant les organes de l’animal.
De surprenantes petites bêtes
Du plus petit au plus grand, les coléoptères sont des créatures fascinantes. « Mini- Hercule », « canon à six pattes », champion de l’infiltration ou survivant de l’extrême, ces insectes font preuve de capacités plus étonnantes les unes que les autres.
Le livre des records
De la taille d’un grain de sable (0,45 mm de long pour 0,1 mm de large), le Baranowskiella ehnstromi est le plus petit coléoptère d’Europe : il pourrait facilement passer par le chas d’une aiguille à coudre. L’onthophagus taurus est capable de soulever 1 141 fois son poids – l’équivalent d’un humain de 70 kg soulevant 80 tonnes. Quant à la Cicindela ebarneola, elle se déplace si vite qu’à l’échelle d’un humain ce dernier devrait courir à la vitesse maximum d’un Boeing 747 pour pouvoir l’égaler.
Des capacités protectrices étonnantes
Pour se protéger des prédateurs, les coléoptères ont développé au fil des générations d’incroyables capacités. Alors que le scarabée bombardier peut projeter un jet de vapeur à 100°C vers son agresseur, le magistrat est quant à lui un spécialiste du camouflage : il imite à la perfection les couleurs et motifs de son environnement pour s’y fondre.
Tout-terrain
Présents sur tous les continents sauf en Antarctique, les coléoptères s’adaptent à tous les environnements et survivent aux milieux les plus extrêmes. Grâce à ses molécules « antigel », le Cucujus clavipes est capable de résister à des températures de la région Arctique variant de -40 °C à -58 °C.
Interagir avec les autres
Se nourrissant de puces, l’amblyopinodes piceus d’Amérique du Sud vit accroché entre les oreilles d’un rat. Le rongeur accueille volontiers ce coléoptère qui le débarrasse de ses parasites. Mais les relations entre espèces ne sont pas toujours positives : la larve de coccinelle Diomus thoracius s’infiltre au sein du nid des fourmis de feu, en imitant leurs signaux odorants, puis se nourrit des larves de la colonie.
Des relations complexes
Vivant côte à côte depuis plusieurs millions d’années, humains et coléoptères ont tissé des relations complexes et variées : ennemis à éradiquer ou alliés à protéger en agriculture, animal qui soigne ou animal de compagnie, les coléoptères suscitent à la fois répulsion et attraction, haine et sympathie.
Ravageur de culture ou auxiliaire d’élevage
De nombreux coléoptères sont des ravageurs de culture et font l’objet d’une lutte intensive. Au Moyen-Âge, l’évêque de Lausanne frappa d’excommunication les hannetons
« Nous Bénédict de Montferrand, évêque de Lausanne,
nous excommunions et maudissons les hannetons, insectes dangereux; qu’il n’en reste aucun, si ce n’est ce qui peut en servir à l’usage de l’homme. »
1479, procès public des hannetons, Suisse.
Accidentellement introduit en France à la fin de la Première Guerre mondiale, le doryphore s’est progressivement attaqué aux cultures d’Europe puis d’Asie donnant lieu à des campagnes de mobilisation nationale pour les capturer et les détruire.
Au contraire, le jardinier peut trouver chez les coléoptères de précieux auxiliaires pour ses cultures, à l’exemple de la coccinelle qui s’attaque volontiers aux colonies de pucerons. L’ami du jardin devient celui de la production agricole : la libération de certaines espèces de coléoptères permet désormais d’éviter l’usage des pesticides.
La consommation de coléoptères dans le monde
Actuellement, deux milliards de personnes consomment occasionnellement ou quotidiennement
1 900 espèces d’insectes, principalement sous forme larvaire, parfois sous forme adulte. Les coléoptères constituent l’ordre d’insecte le plus grignoté.
On estime qu’en 2050, les besoins en protéines animales dépasseront les capacités de production. Nécessitant peu de surface, peu d’eau et peu de nourriture, l’élevage industriel d’insectes et plus particulièrement l’élevage de coléoptère est l’une des solutions envisagée pour résoudre ce problème.
Un animal de compagnie et un jeu
Véritables animaux de compagnie que l’on adopte dans des magasins spécialisés, les mushi-shop, les coléoptères font partie de la vie quotidienne des Japonais. Parmi eux le scarabée-rhinocéros japonais (Allomyrina dichotoma) est apprécié dans toute l’Asie pour ses qualités de combattant. Redoutable, il renverse et projette son adversaire à l’aide de sa corne au cours de tournois très populaires qui font l’objet de paris et sont soumis à des règles strictes.
Si en Occident les insectes engendrent plutôt la peur et le dégoût, ils ont été les compagnons de jeux des enfants : dans les campagnes, ils accrochaient une ficelle à l’une des pattes des hannetons pour les voir voler en cercle et écouter leur vrombissement.
En Corée du Sud, les billes numérotées d’un loto sont remplacées par des dytiques libérés au milieu d’un aquarium en forme de disque avec sur son pourtour des encoches numérotées. Le tirage se termine lorsque les dytiques se sont réfugiés chacun dans une encoche, indiquant ainsi les numéros gagnants.
Le coléoptère soigne tous les maux
Historiquement, les insectes et plus particulièrement les coléoptères ont été les ingrédients de multiples remèdes.
Véritable panacée, le lucane cerf-volant était autrefois utilisé pour soigner les œdèmes, les rhumatismes, la goutte et les problèmes de rein. Une simple goutte d’huile, extraite du lucane, placée dans l’oreille devait même guérir de la surdité.
Les vertus des cantharides étaient vantées par les apothicaires et pharmaciens pour confectionner des remèdes et des aphrodisiaques, comme la dragée d’Hercule qui valut au marquis de Sade d’être accusé d’empoisonnement. Aujourd’hui, la cantharidine est encore extraite de ce coléoptère pour traiter les verrues.
Procédé chirurgical, les morsures de coléoptères font office de suture. Cette méthode est utilisée par les guérisseurs de la région des Balkans. Placés vivants sur les bords de la blessure, les insectes mordent, refermant ainsi la plaie entre leurs mandibules. Ils sont alors décapités d’un geste du pouce. Seule leur tête restera fixée le temps de la cicatrisation.
Symboles et représentations à travers le monde
Parmi tous les insectes, ce sont sans doute les coléoptères qui cristallisent le plus de croyances et génèrent le plus de mythes à travers le monde. Qu’ils soient considérés comme bénéfiques ou maléfiques, ils ont inspiré de nombreuses cultures. Par leurs formes et leurs couleurs, ils sont aussi une source d’inspiration pour les artistes.
Le scarabée, symbole de renaissance de l’Égypte antique
Dans l’ancienne Égypte, le scarabée est sacré. Il représente le dieu-scarabée Khépri, une des formes du dieu-Soleil, qui fait renaître le disque solaire et le déplace dans le ciel. C’est en observant un scarabée faisant rouler une boule de bouse que ce rôle aurait été attribué à ce dieu.
Symbole de résurrection, de nombreuses amulettes et sceaux représentant un scarabée ont accompagné les momies dans leur voyage vers l’au-delà. Placé sur la poitrine de la momie, le « scarabée de cœur », sur lequel était gravé une formule extraite du Livre des morts, devait faciliter l’accès du défunt à la vie après la mort.
La luciole, symbole spirituel en Asie
Les lucioles font partie des croyances et pratiques populaires asiatiques. Ne vivant que quelques jours voire quelques semaines, elles représentent souvent la brièveté de la vie. La pâleur de leur lumière serait la manifestation de l’âme des défunts.
Au Japon, leur chasse appelée hotaru-gari a été le sujet de nombreuses anciennes estampes. Aujourd’hui, les japonais ont délaissé la chasse pour le plaisir de leur contemplation. A la saison des lucioles, au mois de juin, les familles se regroupent la nuit dans les parcs et jardins pour admirer leur ballet lumineux. Dans certaines régions, ce moment important de l’année voit fleurir fêtes et festivals.
Les coléoptères, bijoux d’Amérique du Sud
Les motifs colorés et les reflets métalliques des coléoptères du genre Chrysina sont très prisés par de nombreuses populations d’Amérique du Sud qui réalisent à partir de ces insectes des ornements pour les coiffes, les colliers et autres objets du quotidien. Associés à d’autres matériaux comme des graines, des os, des plumes ou des coquillages, ces parures jouent un rôle symbolique dans les cérémonies et la vie sociale. Chez les Cofán de Putumayo en Colombie, les élytres de coléoptères représentent le vol du chaman, médiateur entre le monde spirituel et terrestre.
Au Yucatan, le coléoptère nommé Makech est décoré de gemmes et porté vivant en broche. Cette pratique tient son origine d’une légende maya selon laquelle un chaman transforma en coléoptère le bien-aimé d’une princesse. Elle recueillit l’animal, le fit décorer par les meilleurs bijoutiers et le porta le reste de sa vie près de son cœur, attaché à une chaînette.
Magie noire et divination
Dans certains pays d’Afrique, quelques coléoptères sont associés à la magie noire et à la divination.
Au Mali, la présence de certaines espèces de coléoptères dans sa maison est considérée comme un présage, augurant l’arrivée imminente d’un visiteur. Mais être heurté par le vol d’une cétoine est le signe du mauvais sort : elle annonce un mal incurable et mortel à venir qu’il faut exorciser.
Le coléoptère est aussi l’allié des guérisseurs. Les Dogon (Mali) se servent d’une harpe-luth pour prodiguer les soins. L’instrument acquiert ses pouvoirs de guérison grâce au gemmu. Introduit dans la caisse de résonnance pendant la fabrication de l’instrument, le coléoptère est libéré par les guérisseurs lors d’une cérémonie. Désormais consacrée, la harpe-luth peut être utilisée pour soigner.
Bête à bon Dieu et muse des artistes en Europe
La coccinelle, symbole divin
Appelée traditionnellement « Bête à bon Dieu » en Europe, la coccinelle tient son surnom d’une légende. Au 10e siècle, un homme fut condamné à mort pour le meurtre d’un artisan. Au moment de son exécution, une coccinelle se posa sur son cou. Le bourreau la repoussa à plusieurs reprises, mais elle revint à chaque fois au même endroit. Le roi Robert II dit « le Pieux » décida de gracier le condamné, voyant dans cette scène la manifestation d’une intervention divine.
Depuis, la croyance populaire associe ce petit coléoptère à un porte-bonheur. Voir une coccinelle s’envoler porterait chance, alors qu’en tuer une apporterait autant d’années de malheur que le nombre de points qu’elle porte sur son dos.
Symbole de protection divine, l’appellation même de la coccinelle à travers l’Europe fait référence à la mère du Christ : ladybird ou ladybug en anglais « l’oiseau de Notre- Dame », mariquita en espagnol signifiant « petite Marie » ou encore Marienkäfer, le
« coléoptère de Marie » en allemand.
Une source d’inspiration pour les artistes
Au début du 17e siècle, les coléoptères sont souvent représentés au sein des « natures mortes » des peintres flamands et hollandais. Sous leur pinceau, ces insectes deviennent des symboles positifs ou négatifs.
Sur écran, l’œuvre de Jan Brueghel l’Ancien (1568-1625) s’anime. En agrandissant l’image des «Fleurs dans un vase sculpté», certains détails apparaissent et les coléoptères se révèlent cachés dans le foisonnement de pétales et de feuilles. Les symboles auxquels ils font référence dans la culture de l’époque, divins ou diaboliques, apportent une autre lecture à l’œuvre.
Exposition temporaire du 21 décembre 2018 au 28 juin 2020