LA FAIM JUSTIFIE LES MOYENS
Le Centre d’histoire de la résistance et de la déportation accueille une nouvelle exposition temporaire intitulée : « Les jours sans ». Retour dans les années 40 pour découvrir le mode de vie des Français en temps de guerre, lors de la période de restrictions alimentaires.
Dès le vestiaire, le ton est donné. Une immense fresque nous plonge directement dans l’ambiance. Cette dernière est divisée en sept partie. Pour commencer, le plus important : l’organisation du système alimentaire. Cette période de disette qui marqua tant les esprits débuta dès l’entrée en guerre de la France, lorsque les premiers produits viennent à manquer. Des catégories ainsi que des tickets sont alors mis en place pour permettre aux personnes de se procurer certains aliments. Anciens tickets de rationnements, coupures de presse sur l’évolution des rationnements, la une du journal « Guignol », etc. Tout est expliqué et présenté sur un fond rose pastel qui permet un parfait contraste avec le sombre noir des différentes écritures. Des vidéos se mélangent à la photo et l’écriture. Si les restrictions marquèrent tant les esprits, certains témoignages viennent vous apporter un éclairage singulier, à l’image de celui d’Andrée Gaillard, ancienne petite fille de 8 ans devint la plus jeune fille non juive internée en prison, qui fait part de son sentiment d’insécurité de l’époque. Les chiffres sont éloquents : les prix sont multipliés par trois ou quatre de 1940 à 1944. Autre éclairage inédit et bienvenue : des extraits de film célèbres relatant l’histoire de la pénurie alimentaire lors de la Seconde Guerre mondiale. « Une affaire de femme » de Claude Chabrol, « Monsieur Batignole » de Gérard Jugnot, « L’armée des ombres » de Jean-Pierre Melville, etc. Même le septième art se fait l’écho de cette période si marquante, où les ventres étaient vides.
Alternatives
Alors, pour faire face à la pénurie, Il faut bien trouver des alternatives. Rutabaga et topinambour deviennent alors célèbres dans les assiettes des Français. Des marchés roses sont mis en place, ce qui permet aux familles habitant la campagne d’envoyer des colis de nourriture aux membres de leur famille habitant en ville. Marché noir et troc sont aussi présents. Photos, coupures de presse, lettres, objets divers, etc. viennent illustrer ces explications. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, les jours sans ne sont pas pour autant dénués d’humour. C’est même un paradoxe frappant : pour oublier les restrictions, les français se précipitent dans les salles de spectacles. Les chansonniers détournement également des chansons populaires avec de nouvelles paroles comme sur un air de J’ai du bon tabac. Jeux, journaux, dessins, lectures, etc. le divertissement n’avait pas été complètement rayé de la vie des gens.
D’une grande pertinence, l’exposition a la subtile intelligence d’être reliée aux précédentes: pour illustrer ces campagnes avoisinantes, sont exposées les photographies couleurs de Paul-Émile Nerson vues il y a deux ans. De même que celles en noir et blanc d’Émile Rougé. Loin de tomber dans la facilite ou la redite, cette approche accrédite l’identité et la pertinence de la collection du musée.
Fidèle à sa rigueur scientifique et sa capacité à porter simplement les connaissances essentielles à portée des visiteurs, le CHRD nous invite à comprendre comment nos anciens se sont débrouillés avec rien, pour se nourrir et ne pas trop mourir sous le régime de Vichy. Passionnant et nécessaire.
Hervé Troccaz
Crédit photos : CHRD.
Les Jours sans, alimentation et pénurie en temps de guerre
Au CHRD jusqu’au 28 janvier
14 avenue Berthelot – 69007 Lyon
Tel : 04 72 73 99 00
Vidéo de présentation de l’exposition Les jours sans
HORAIRES
Du mercredi au dimanche, de 10h à 18h
Fermé les jours fériés, sauf le 8 mai.
Extraits du procès de Klaus Barbie:
10h30, 12h00, 14h30, 15h30 et 16h30
Centre de documentation :
du mercredi au samedi de 10h à 12h30 et de 13h30 à 17h
Pour les animations, rendez-vous 15 min. avant le début de l’activité.
ACCÈS
Tramway: T2, station Centre Berthelot
Métro : Ligne A, station Perrache – Ligne B, station Jean-Macé
Voiture : Parc Berthelot, rue de Marseille (stationnement payant)
Vélo’v: Station Centre Berthelot, rue Pasteur, angle avenue Berthelot
CLAP DE FAIM
A mi-parcours de l’exposition, le visiteur est invité à visionner des extraits de films mettant en scène les restrictions. Le septième art se fait ainsi le reflet d’une époque, avec beaucoup de pertinence. Aucun aspect n’est négligé. L’absence de nourriture n’est pour autant pas synonyme d’ambiance sinistre, avec quelques scènes truculentes et drôles, comme celle où Jean Gabin se venge de Bourvil en jetant des saucisses à des chiens errants. Même amusement au visionnage de l’extrait de Monsieur Batignole de Gérard Jugnot, où l’on voit deux jeunes enfants sortir d’un soupirail avec des pièces de charcuterie à la main. Tous les grands classiques du genre se font ainsi l’écho du manque de moyens et des tensions que ces carences engendrent, de L’armée des ombres à Au revoir les enfants.