Depuis quelques semaines les habitants du Point du Jour on pû voir évoluer l’enseigne de leur théâtre, qui demeure désormais affilié temporairement à celui du Théâtre des Célestins. Une programmation de proximité et de qualité, tout au long de la saison 2018/2019.
Claudia Stavisky et Marc Lesage présenteront ces nombreux spectacles en son et en images le mercredi 17 octobre à 19 h.
Gwenael Morin a été le directeur de cette instruction jusqu’au 15 août dernier. Cette saison, ce sont les Célestins qui s’installent provisoirement dans ce théâtre avec la programmation initialement prévue dans la Célestine, leur petite salle devenue inutilisable suite aux crues de la Saône de cet hiver.
Ils ne sont désormais plus que 6 à pouvoir prétendre à la direction du Théatre du point du jour : le Collectif X, Abdelwaheb Sefsaf, Éric Massé & Angélique Clairand, Thierry Jolivet (du collectif La Meute), Baptiste Guiton & Pauline Laidet et enfin Olivier Coulon-Jablonka.
Hervé Troccaz
Théâtre du Point du jour – Saison 2018/2019
Je n’ai pas encore commencé à vivre
De
Tatiana Frolova / Théâtre KnAM
Avec
Dmitrii Bocharov, Vladimir Dmitriev, Tatiana Frolova, German Iakovenko, Ludmila Smirnova
INTERNATIONAL RUSSIE
Ce fut l’un des moments forts du Festival Sens Interdits 2017. Tatiana Frolova revient faire résonner histoires intimes et grande Histoire dans un portrait sans concession de la Russie.
Près de 12 000 kilomètres séparent Lyon de Komsomolsk-sur-Amour. C’est dans cette cité de l’Extrême-Orient russe, construite par des prisonniers du Goulag, que Tatiana Frolova a fondé le Théâtre KnAM en 1983. Un théâtre qui utilise toutes les ressources de la création contemporaine – vidéos, photographies, sons, documents, objets, actions – pour parler d’aujourd’hui. Du présent, il en est beaucoup question dans Je n’ai pas encore commencé à vivre. Comme du passé et du futur.
Dans cette exploration documentaire, la metteure en scène convoque l’histoire de l’URSS redevenue Russie. Sur scène, trois fois rien : un tableau noir, une table, de la terre, deux écrans. Et des voix qui s’élèvent, des visages qui livrent leur désarroi face à l’avenir qui se présente à eux. S’appuyant sur une mosaïque de témoignages personnels, Tatiana Frolova donne la parole à deux générations, l’une née avant la perestroïka et l’autre à la veille de l’effondrement de l’URSS. La sincérité de ces histoires intimes nous bouleverse. L’émotion est permanente : un spectacle coup de poing.
Fracassés
Kate Tempest
Mise en scène
Gabriel Dufay
Avec
Clément Bresson, Gabriel Dufay, Claire Sermonne
À la frontière du théâtre, du cinéma, de la danse et de la musique urbaine, Fracassés brosse le portrait d’une génération, à travers trois personnages d’aujourd’hui en quête de sens.
Il y a Ted, un petit fonctionnaire prisonnier de la monotonie de son travail de bureau. Danny, qui stagne en jouant de la guitare pour un groupe qui n’arrive pas à percer. Charlotte, une jeune professeure qui se sent inutile et se laisse gagner par l’amertume de ses collègues. Inséparables à l’adolescence, tous trois se sont abîmés dans l’alcool et la drogue, avant de faire face à la mort de leur ami Tony. Dix ans jour pour jour après cet événement tragique, ces trois jeunes gens, confrontés aux fantômes de ce qu’ils auraient pu devenir, se mettent à rêver d’une autre existence.
Comment repoétiser le monde ? Comment le réinventer et y trouver sa place ? La première pièce de la poétesse et rappeuse anglaise Kate Tempest nous entraîne dans les incertitudes de notre époque. « Fracassés est une grande pièce sur la vie, l’amour, le passage à l’âge adulte, les illusions perdues et les égarements existentiels », déclare Gabriel Dufay. En donnant corps à la vivacité brute et percutante de cette écriture musicale, le metteur en scène observe l’humanité avec acuité et tendresse. Il ausculte la solitude et les dysfonctionnements de notre société déboussolée.
Le Rosaire des voluptés épineuses
De
Stanislas Rodanski
Mise en scène
Georges Lavaudant
Avec
Louis Beyler, Frédéric Borie, Élodie Buisson, Clovis Fouin, Frédéric Roudier
Entre mystère et incandescence, Georges Lavaudant nous fait voyager dans le monde envoûtant du poète surréaliste Stanislas Rodanski.
Un homme à la présence hypnotique, une femme-chimère que l’on croirait sortie d’un film d’Alfred Hitchcock, l’énigme d’une poésie devenant elle-même personnage… On plonge dans Le Rosaire des voluptés épineuses comme dans un espace hors du temps. Dans un territoire fantastique au sein duquel la vie et la mort échangent leurs masques, ainsi que la lumière et l’obscurité, la douleur et le plaisir, le rêve et la raison.
Il y a quelque chose de fascinant dans l’univers en clair-obscur de Stanislas Rodanski (1927-1981), poète lyonnais ayant passé la moitié de son existence en hôpital psychiatrique. Injustement méconnu, cet artiste à l’écriture rare et insolite a laissé derrière lui une œuvre nimbée d’une lueur surnaturelle. À travers une mise en scène d’une beauté saisissante, Georges Lavaudant en restitue ici toute la profondeur secrète. Délivré dans l’intimité onirique d’un dîner aux allures de funérailles, ce chant en quête d’un paradis perdu s’élève comme un dernier refuge dans la lumière du théâtre.
Ultra-Girl contre Schopenhauer
Mise en scène
Cédric Roulliat / Compagnie de Onze à Trois heures
Avec
David Bescond, Sahra Daugreilh, Laure Giappiconi
Le photographe lyonnais Cédric Roulliat présente sa première création théâtrale : une échappée kitsch et pop dans l’univers fantasmé d’une superhéroïne de bande dessinée.
Lyon. Début des années 1980. Edwige, une jeune traductrice, a grandi en rêvant aux destins extraordinaires des superhéroïnes de comics américains. Ce n’est donc pas un hasard si elle travaille pour un éditeur de bandes dessinées, qui a la charge d’adapter en français les aventures de l’intrépide et sensuelle Ultra-Girl. Un jour comme un autre, la fringante héroïne — combinaison moulante et cuissardes rouges — fait irruption dans le bureau-salon de sa traductrice.
Ballet parlé, chanté, chorégraphié, Ultra-Girl contre Schopenhauer associe le quotidien ordinaire de la trentenaire aux scintillements d’un univers hollywoodien utopique. Plein de peps et de second degré, ce premier spectacle de Cédric Roulliat met en perspective l’identité et la construction de soi. Souvenirs intimes, playbacks effrénés, interludes musicaux… L’esprit d’Edwige nous ouvre les sentiers de ses jardins secrets. Il dévoile le joyeux tintamarre de ses voix intérieures
Logique du pire
De
Étienne Lepage
Mise en scène
Étienne Lepage et Frédérick Gravel
Avec
Marie Bernier, Philippe Boutin, Yannick Chapdelaine, Renaud Lacelle-Bourdon, Marilyn Perreault
INTERNATIONAL CANADA
Ils viennent tous deux du Québec. Étienne Lepage et Frédérick Gravel s’amusent de nos petits penchants pour la cruauté ordinaire. Percutant et corrosif.
L’un de leurs précédents spectacles s’intitulait Ainsi parlait…, clin d’œil au célèbre Ainsi parlait Zarathoustra de Friedrich Nietzsche. Le titre de cette nouvelle création s’inspire, lui aussi, d’un ouvrage philosophique, cette fois-ci de Clément Rosset. Étienne Lepage et Frédérick Gravel auraient-ils un goût particulier pour la philosophie ? Sans doute. Mais une philosophie à coups de marteau, qui éclaire notre rapport au quotidien d’une lumière féroce, ludique, désenchantée.
Cette lumière est ici investie par deux comédiennes et trois comédiens. Ils nous regardent droit dans les yeux, un micro à la main, debout ou assis sur un canapé. Ce qu’ils nous racontent ? Des petits récits humoristiques sur la vie qui dérape. Une femme jette le corps d’un ouvrier à la poubelle après lui avoir malencontreusement défoncé le crâne en ouvrant sa porte d’entrée. Un homme doit passer une journée de travail avec une crotte de chien sous sa chaussure… Logique du pire fait surgir l’humain dans ce qu’il a de plus désinvolte, de plus égoïste. Mais aussi de plus drôle.
Artists Talk
De
Gianina Cărbunariu
Avec
Ruxandra Maniu, Ilinca Manolache, Alexandru Potocean, Gabriel Răuță, Bogdan Zamfir
INTERNATIONAL ROUMANIE
C’est l’une des artistes majeures du théâtre roumain. Gianina Cărbunariu présente Artists Talk : une réflexion pleine d’ironie sur l’investissement de l’artiste dans le monde d’aujourd’hui.
En 2014, lors du Festival d’Avignon, Gianina Cărbunariu interrogeait les déclarations publiques des politiciens (et les relations de pouvoir qu’elles induisent) dans un spectacle intitulé Solitaritate. C’est à présent aux discours des artistes que l’auteure et metteure en scène roumaine s’intéresse en questionnant, dans Artists Talk, l’éthique et la responsabilité des créateurs au sein de la société contemporaine.
« Je n’ai pas l’illusion de pouvoir changer la réalité sur un claquement de doigts, confie Gianina Cărbunariu, mais je crois que le théâtre peut être le lieu de véritables prises de conscience. » À travers une série de tableaux maniant dérision et autodérision, différents créateurs parlent de leur univers artistique et de leur rapport aux publics. Ils le font en toute sincérité, naïveté, vanité, hypocrisie… Inspiré d’un travail de recherche documentaire, Artists Talk projette le particulier dans l’universel. Et met en perspective grandes pensées et petites déclarations.
Le Monde renversé
De
Collectif Marthe / Clara Bonnet, Marie-Ange Gagnaux, Aurélia Lüscher, Itto Mehdaoui
Avec
Clara Bonnet, Marie-Ange Gagnaux, Aurélia Lüscher, Itto Mehdaoui
Quatre jeunes comédiennes réinterrogent le mythe des sorcières. Un spectacle malicieux qui met au jour les mécanismes historiques de persécution des femmes.
Durant des siècles, on les a fait passer pour des empoisonneuses, des voleuses de pénis, des dévoreuses d’embryons, des vieilles lubriques forniquant avec le diable… Elles n’étaient, pourtant, que des prostituées, des épouses infécondes, des accoucheuses connaissant le secret des plantes, des esprits libres appelant à la révolte… C’est le destin de ces « sorcières » condamnées au bûcher qu’explorent les actrices du collectif Marthe : en éclairant le système de domination patriarcale dont ces femmes ont été victimes.
« À l’instar des féministes des années 1970, déclarent Clara Bonnet, Marie-Ange Gagnaux, Aurélia Lüscher et Itto Mehdaoui, nous voulons nous réapproprier sur scène ce pan de l’Histoire encore absent de nos livres d’école. » S’inspirant de contes, d’essais et d’un travail d’écriture au plateau, les quatre artistes questionnent les bouleversements sociaux ayant mené aux chasses aux sorcières. Mêlant militantisme féministe et humour débridé, Le Monde renversé s’amuse à saper stéréotypes et fantasmes. Un bel exemple de théâtre espiègle et engagé.
OMG
Organisme Modificate Genetic
De
Ioana Pǎun
Avec
Costi Apostol, Alexandrina Ioana Costea, Abdel Fatahou, Sebastian Marina, Fatma Mohamed, Elena Popa, Paula Rotar
INTERNATIONAL ROUMANIE
À la croisée du théâtre, des sciences sociales et des nouvelles technologies, la jeune metteure en scène roumaine Ioana Pǎun explore notre relation au réel et à la notion d’identité.
Nous sommes au plus près des comédiens, de part et d’autre de l’espace scénique. Devant nous gît le corps d’une femme portant une burqa. Des enquêteurs prennent des photographies. Ce bout de terre situé au bord du Danube, dans un joli village roumain, va devenir le centre d’une incessante effervescence. Car des rumeurs laissent entendre que la victime a été laissée pour morte. Lorsqu’une photographie de la supposée scène de crime se retrouve en une d’un magazine allemand, les autorités locales s’emballent. Et font tout pour sauvegarder l’image de carte postale dont jouit leur commune.
Représentants des communautés orthodoxes et musulmanes, policiers, journalistes, artistes, juges, villageois… Toutes sortes de femmes et d’hommes défilent sur les lieux, transformant l’endroit en véritable arène politique. Sondant, dans son théâtre, la façon dont l’être humain agit en situation de conflit, Ioana Pǎun éclaire dans OMG la prise de pouvoir d’instances qui cherchent à imposer une vérité officielle. Bienvenue dans le monde des antagonismes culturels et des « faits alternatifs ».
THÉÂTRE LE POINT DU JOUR
7, rue des Aqueducs
Lyon 5e – Bus : C21, 90, 45 (arrêt Point du Jour), 46 (arrêt Théâtre-Église Notre-Dame)
Navette Célestins
Une navette par car est mise à disposition des spectateurs chaque jour de représentation – sauf les 6, 7 et 8 décembre (gratuit dans la limite des places disponibles).
Départ : Quai des Célestins (au niveau de la rue Gaspard André) à 19h30 du mar. au sam., à 15h30 le dim.
Retour 15 min. après la fin de la représentation.