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La Pampa

Un film d’Antoine Chevrollier, avec Sayyid El Alami, Amaury Foucher, Damien Bonnard, Arthus

La Pampa – Synopsis

Willy et Jojo, deux adolescents insĂ©parables, tuent le temps dans leur petit village rural oĂč les perspectives d’avenir semblent aussi limitĂ©es que l’horizon qui les entoure. Ils partagent un rĂȘve : partir, fuir cette campagne figĂ©e, s’inventer une nouvelle vie ailleurs, loin du quotidien monotone et des carcans imposĂ©s par leur environnement. Entre virĂ©es en moto-cross, provocations et moments d’insouciance, ils s’accrochent Ă  cette promesse, persuadĂ©s que rien ne pourra les sĂ©parer.

Mais Jojo porte un secret. Un secret qui, une fois rĂ©vĂ©lĂ©, brise le fragile Ă©quilibre de leur amitiĂ© et fait Ă©clater les certitudes de toute une communautĂ©. Ce que le village tait depuis toujours finit par exploser au grand jour, emportant avec lui les illusions et les espoirs de ces deux garçons en quĂȘte d’absolu. Willy, dĂ©vastĂ©, doit affronter seul la rĂ©alitĂ© brutale de ce monde qu’il pensait comprendre. Son regard sur son entourage, sur lui-mĂȘme, sur ce qu’il croyait ĂȘtre la loyautĂ©, vacille et se transforme.

Entre drame intime et chronique sociale, La Pampa raconte le passage Ă  l’ñge adulte d’un jeune homme contraint d’ouvrir les yeux sur les violences invisibles d’un monde oĂč la diffĂ©rence se paie au prix fort. Une histoire de deuil et de rĂ©silience, portĂ©e par des paysages dĂ©solĂ©s, une mise en scĂšne immersive et des interprĂ©tations poignantes.

La Pampa – Critique du film

LA TÊTE DANS LE GUIDON

Dans ce premier long mĂ©trage, le choix du moto-cross comme toile de fond n’est pas anodin. Sport ultra-codifiĂ©, associĂ© Ă  un univers masculiniste mĂȘlant mĂ©canique, bruit assourdissant et dĂ©monstrations de virilitĂ©, il incarne un microcosme oĂč les rapports de force sont exacerbĂ©s. Antoine Chevrollier y voit un terrain propice Ă  l’exploration des tensions sociales et identitaires, notamment celles liĂ©es Ă  la construction de la masculinitĂ© en milieu rural.

Un des aspects les plus intĂ©ressants du film est la maniĂšre dont la sexualitĂ© de Willy est relĂ©guĂ©e au second plan pour mieux mettre en Ă©vidence la diffĂ©rence de classe sociale entre lui et Marina, autre personnage clĂ© de l’histoire. Ce dĂ©placement du regard permet d’aborder avec subtilitĂ© les dynamiques d’exclusion et les jugements silencieux qui traversent ces milieux oĂč chacun doit tenir son rĂŽle sous peine d’ĂȘtre rejetĂ©.

DĂšs le drame qui frappe Jojo, la mise en scĂšne Ă©pouse le point de vue de Willy. La camĂ©ra se fait plus sensorielle, capturant sa respiration, ses silences, ses non-dits. Son monde bascule, et avec lui, la tonalitĂ© du film. La Pampa s’attaque alors frontalement Ă  des thĂ©matiques aussi universelles que douloureuses : l’homophobie latente, le poids du conformisme, la violence du deuil et le harcĂšlement scolaire, le tout traitĂ© avec une finesse qui Ă©vite tout didactisme.

Un des Ă©lĂ©ments marquants du film rĂ©side dans la figure du pĂšre, dont le rĂȘve inachevĂ© pĂšse sur son fils comme un fardeau invisible. La trajectoire du personnage et son rĂŽle dans le drame final posent la question de la transmission et des attentes dĂ©mesurĂ©es placĂ©es sur les Ă©paules d’une jeunesse en quĂȘte d’émancipation. La tentative de rĂ©demption par la mort, illustrĂ©e de maniĂšre excessive lors de la scĂšne d’enterrement, interroge cette mĂ©canique tragique oĂč un personnage autrefois moquĂ© et rejetĂ© devient, par sa disparition, un hĂ©ros aux yeux de ceux qui l’avaient condamnĂ©.

Un film poignant, porté par un regard sincÚre et une émotion brute.

Autre choix discutable : l’usage quasi-permanent de la musique. Le volume sonore, parfois assourdissant, semble chercher Ă  provoquer une Ă©motion artificielle plutĂŽt qu’à accompagner naturellement les scĂšnes dramatiques. Ce recours appuyĂ© Ă  la bande-son trahit-il une faiblesse dans l’écriture du scĂ©nario, ou reflĂšte-t-il un parti pris assumĂ© visant Ă  accentuer l’intensitĂ© du rĂ©cit ?

Cela Ă©tant dit, la mise en scĂšne immersive, au plus prĂšs des corps et des machines, offre des scĂšnes de moto-cross d’une puissance visuelle impressionnante. Chaque course devient un ballet mĂ©canique, une danse brutale oĂč la poussiĂšre, l’adrĂ©naline et la vitesse traduisent les tensions internes des personnages.

Du cĂŽtĂ© du casting, tous les acteurs livrent des performances justes, mais deux interprĂ©tations mĂ©ritent une mention spĂ©ciale. Arthus, Ă  contre-emploi, surprend en coach de moto-cross, un rĂŽle loin de son registre habituel, qu’il incarne avec une sobriĂ©tĂ© remarquable. Mais c’est surtout Sayyid El Alami qui impressionne. AprĂšs No Man’s Land, il confirme ici l’étendue de son talent, livrant une prestation d’une intensitĂ© rare, tout en nuances et en retenue.

MalgrĂ© un final qui s’étire peut-ĂȘtre un peu trop, La Pampa reste un film poignant, portĂ© par un regard sincĂšre et une Ă©motion brute. Il nous raconte l’histoire d’un jeune homme qui, Ă  travers l’épreuve, gagne en maturitĂ© et en conscience de lui-mĂȘme. Une Ɠuvre forte, qui marque durablement.

✍ GĂ©rard SĂ©rieux

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