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BILLE EN TÊTE

Jusqu’au 2 mars 2019, l’artiste Mani expose ses œuvres à la galerie SITIO. Rencontre.

Propos recueillis par Océane Félix  et Hervé Troccaz

"La Mécanique du Vide", première exposition de Mani à SITIO
“La Mécanique du Vide”, première exposition de Mani à SITIO

Pouvez-vous vous présenter, nous décrire votre parcours, votre formation artistique ?

J’ai commencé le dessin voila 12 ans, un peu par hasard, à la fac. J’effectuais des études de cinéma et je griffonnais sur mes cahiers pendant les cours. Quelques années plus tard, en reprenant mes notes, je me suis rendu compte qu’il y avait finalement plus de dessins que de mots, et que les mêmes personnages revenaient fréquemment. Alors j’ai commencé à développer cet univers. Petit à petit,j’ai réalisé que le dessin était un domaine qui me correspondait plus que le cinéma.  Je suis lent et solitaire, et cette approche m’apparaissait plus naturelle que le septième art, moins forcé. Je travaillais auparavant à Châlon sur Saône, au sein d’un collectif d’artistes. J’ai compris qu’il fallait que je me rapproche de lieu artistiques. Je vis à Lyon depuis maintenant 5 ans.

J’ai progressivement développé ma technique au stylo bille, et quand je suis arrivé à Lyon, j’y ai découvert un vivier du street art, je me suis essayé à d’autres techniques. Concrètement, j’ai participé au Urban Art Jungle Festival en tant que spectateur. Un espace était réservé à la libre expression du public. J’avais envie de montrer mon univers mais il était impossible de réaliser mes dessins très détaillés sur un mur, à la craie. J’ai alors décidé de changer d’échelle, et j’ai reproduit un de mes personnages en grand sur mur. Ce fût un véritable déclic.J’ai alors commencé à effectuer des collages dans la rue. L’année suivante, j’ai de nouveau participé au Urban Art Jungle, mais cette fois en tant qu’artiste.

"La Mécanique du Vide", première exposition de Mani à SITIO
“La Mécanique du Vide”, première exposition de Mani à SITIO

Et maintenant, vous exposez en galerie !

Comme je travaille beaucoup au sein de collectifs d’artistes, j’avais déjà participé à des expositions, mais celle-ci est ma première solo, ce qui la rend très symbolique ! C’est aussi la première travaillée autour d’un thème particulier, le vide, mais aussi d’un texte. Ce texte est un peu comme un cadeau que je fais à ceux qui me suivent et aiment mon travail. En effet, je ne donne pas de titre à mes œuvres, je ne les explique pas, et, de plus en plus, les gens me questionnaient, cherchaient à savoir ce qu’il y a derrière… Alors cette exposition me permet, pour la première fois, d’expliciter mon approche. C’est aussi pour cela que j’effectue des visites guidées de l’exposition, pour expliquer mes œuvres.

Pourquoi employez-vous stylo à bille ?

Finalement, c’est l’objet qui me parait le plus naturel. Il ne demande pas de technique particulière, pas de mélanges, ce qui me permet de poser directement l’idée sur le papier. C’est d’ailleurs de là que vient « Mani » justement, la main… la main qui parle. J’essaye de lui trouver des alternatives. Certes, un stylo n’est pas l’idéal en termes d’écologie, cela génère beaucoup de déchets, mais malgré toutes mes tentatives, je n’ai rien trouvé qui me permette autant de spontanéité. C’est le seul outil qui m’autorise une si grande liberté de création, car je peux jouer avec les contrastes, les dégradés, pour créer les reliefs, les ombres…

En revanche, les surfaces plus grandes se révèlent plus adaptées à mes personnages : j’ai l’impression que c’est leur véritable échelle. Presque à taille humaine, j’ai ainsi pu me libérer de cet espèce de rapport de domination avec l’œuvre réduite. J’ai donc dû trouver une autre technique pour ces œuvres-là. Remplir un mur avec des dessins au stylo bille nécessiterait des mois de travail. L’encre de chine est parfaite, car elle me permet d’obtenir le même rendu que le stylo mais à plus grande échelle. Je l’utilise avec un pinceau, sans la diluer, je retrouve donc le même geste qu’avec le stylo, la même spontanéité, les mêmes contrastes, les mêmes dégradés…

Pourquoi un stylo noir ?

Tout d’abord, je suis daltonien. Alors dessiner en couleur ne signifie pas grand-chose pour moi, mais j’ai essayé. Cela ne m’a pas convaincu, la couleur n’apportait pas beaucoup à mes œuvres. C’était un ajout technique qui finalement enlevait quelque chose au dessin. Comme je travaille énormément sur les contrastes et oppositions entre noir et blanc, j’aurais tendance à dire que les ombres sont les couleurs de mes dessins.

"La Mécanique du Vide", première exposition de Mani à SITIO
“La Mécanique du Vide”, première exposition de Mani à SITIO

Comment avez-vous développé cet univers particulier, vos personnages ?

C’est quelque chose qui est venu en même temps que la technique. J’ai deux personnages, un grand, sage, qui est dans la réflexion et la retenue, ce qui parfois l’empêche d’agir ; et un petit qui fonce dans le tas, ne prend pas le temps de réfléchir, il aime bien manger… Ces deux personnages forment deux parties de moi qui se complètent. Je ne peux pas dessiner uniquement l’un ou l’autre.  Ils sont complémentaires et indissociables.

Quand vous dessinez, avez-vous une idée préalable du dessin ?

Non, je ne peux pas penser au dessin avant de le faire, sinon je n’y arriverais pas. J’aurais l’angoisse de la page blanche, je me dirais que le dessin ne sera jamais bien… Donc je crée petit à petit, je commence par réaliser une forme sur ma feuille. Puis je place des personnages et leur posture m’emmène plus loin dans le dessin, l’idée se structure au fur et à mesure. Je regarde où les courbes m’emmènent et je les suis, pour arriver au résultat final.

Comment définiriez-vous votre univers, qu’est ce qu’il exprime pour vous ?

Je dirais que mes dessins sont des métaphores visuelles. Chacun représente quelque chose de personnel, mes émotions, et un certain rapport à la société. Mais j’essaye d’en faire un sentiment universel, je devine que ce que je ressens doit aussi être partagé par d’autres. Dans cette exposition, j’ai abordé le rapport au vide, notion recouvrant plusieurs choses : la mort qui, je pense, est à la base de toutes nos actions, qui explique notre manière de vivre, au maximum. Mais aussi la peur de la solitude, la peur de la page blanche… Mes œuvres parlent de l’humain. Il y a toujours une partie de l’humain sage, qui n’agit pas, et une autre qui fonce dans le tas, agit d’abord pour réfléchir ensuite. Enfin, je dirais que ce sont des œuvres humoristiques, un humour touchant. Je place mes personnages dans des situations déroutantes et j’observe leur manière de réagir. Ceci contrebalance cette tendance à toujours voir le côté négatif de l’humain, cela ramène de la poésie dans leurs actions, les rend drôles.

Exposition « La mécanique du vide », de Mani, jusqu’au 2 mars à la galerie SITIO.

Prochaine visite guidée de l’exposition le 16 février à 15h. Inscriptions sur :

https://superposition-lyon.com/portfolio-item/visite-guidee-exposition-mani/

Galerie SITIO

3 place Gensoul

69002 Lyon.