Parfois, dans la profusion des propositions du Festival Off d’Avignon, il nous arrive de découvrir quelques pépites théâtrales. Voici les toutes premières.
L’AMANT VIRTUEL
De et avec Julien Sigalas Mise en scène Audrey Stahl Truffier avec Irina Gueorguiev
Julien et Elodie forme un couple en apparence ordinaire … Mais que ce cache-t-il derrière les apparences ?
Pour rompre avec la routine Elodie sur les conseils d’une amie décide par jeu , de s’inscrire sur un site de rencontres. Juien l’apprend et décide à son tour de jouer le trouble fête en se faisant passer pour d’éventuels candidats prêts à soulager cette femme en recherche d’aventures fantasmées ……
Cette comédie grinçante commence dans la salle au milieu des spectateurs. Eclate alors une dispute mémorable entre Julien et Elodie qui se réfugient ensuite sur la scène pour achever de régler leurs affaires de couple..
Entre rires, souvenirs, désillusions, et manipulations , le couple nous invite au coeur de leur histoire où le réel et le virtuel s’entremêlent. L’écriture halerte de Julien Sigalas est parfaite pour nous parler des couples d’aujourd’hui à l’heure d’internet et des réseaux sociaux. La mise en scène et le rythme contribuent à la réussite du spectacle. Le couple de comédiens est excellent et joue sur toutes les facettes des personnes. A voir et à consommer sans modération.
MEME : petits arrangements avec la vie
De et avec Anne CANGELOSI
Mise en scène d’Alexandre Delimoges Cie Bienvenue à Cajar !
A 84 ans, Joséphine dite Mémé profite de l’enterrement de son mari Zacharie , pour déballer sa boîte à souvenirs et régler ses comptes avec la vie.
Bien décidée à dire tout ce qu’elle pense, elle nous raconte avec humour cash et mordant ses souvenirs : sa nuit de noces, sa passion pour le feuilleton “Amour Gloire et Beauté”, les petits joints qu’elle fume pour se détendre, les petits canards (sextoys) qu’elle vend comme des Tupperwares dans son village, et ce bel allemand rencontré une nuit à la fin de la guerre …
Au-delà de son coté “fleur bleu”, entre nostalgie et émotion elle nous parle à travers une galerie de personnages haut en couleurs : son amie de toujours Honorine, de sa fille Josie “une vraie chique molle” dont l’ardeur ressemble à celle d’un âne que l’on aurait tué à coups de figues (expression très provençale) . Elle s’interrompt une fraction de secondes, avant d’évoquer Huggette “Miss tapenade 77” une vraie salope qui a essayé dans sa jeunesse de lui “piquer ” son mari ….
Décrit ainsi, ce spectacle pourrait paraître un tantinet suranné ? Pas du tout en réalité parce que c’est sans compter sur la verve fleurie de la comédienne et de son accent marseillais qui chante comme les cigales du Sud. Pendant 1h10 ,ça fleure bon la Provence et l’esprit de Pagnol où les anecdotes s’enchaînent et les répliques cultes rappelles celle d’Audiard version Midi.
Entre scène et salle, Mémé joue de son charme, interpelle son public avec un humour décapant, cherche parmi les spectateurs “sa tête de turc” d’un instant , repère celui qu’elle surnommera “ma couille” … Rassurez-vous, il n’y a aucune vulgarité dans ses propos , seulement un imme,nse respect pour l’auditoire et une gentillesse à vous fendre le coeur.
Entre deux éclats de rire, on essaie de reprendre son souffle. C’est drôle et souvent émouvant, c’est aussi l’occasion pour Mémé de nous dire sans langue de bois ce qu’elle pense de notre époque et de ses contemporains.
Le spectacle est très écrit. Les répliques imagées sont percutantes et d’une drôlerie fines. La mise en scène est réglée au millimètre et Anne CANGELOSI réalise avec ce spectacle, seule en scène, une véritable performance de comédienne unanimement reconnue par la critique et les prix reçus, tant pour sa transformation physique que pour la véracité du personnage. Ne pas manquez ce petit bijou parce que c’est que du bonheur !
ECROUE DE RIRE
De David Desclos
Mise en scène Stomy Bugsy
Desclos na pas besoin d’inventer des histoires puisque sa vie en est une.
Ex caïd pass’ plusieurs fois par la case prison, il raconte tout, de son casse déjoué à son histoire d’amour réusse, en passant par la garde à vue et les cavales sous le pseudo de David Lupin. Un gentleman cambrioleur sans arme, qui a profité vde ses dix ans à l’ombre pour mettre des mots sur sa peine à purger derrière les barreaux et se préparer une sortie en pleine lumière.
En sortant du trou c’est l’administration pénitentiaire qui a acheté son spectacle et aidé au départ à sa programmation.
C’est un spectacle bouleversant, drôle et plein d’humanité, qui résonne en chacun de nous et donne à réfléchir. Les trois bonnes raisons de voir son spectacle sont que c’est une histoire vraie, que les dialogues sont dignes d’un film d’Audiard et qu’on y découvre le milieu carcéral sous un angle atypique.
Gérard SERIE
