Nous l’avions rencontré dans le métro, à la station Bellecour, subjugués par son talent d’écriture. Deux ans plus tard, Eurêka a écoulé près de 5000 exemplaires de son album. Ce slameur dévoile une personnalité riche et une plume alerte. Son concept ? Chacun de ses textes se termine par un retournement de situation surprenant qui vient apporter un nouvel éclairage à l’ensemble du texte. Rencontre.
Propos recueillis par Hervé Troccaz
Pourquoi avoir choisi pour nom de scène Eurêka ?
Eurêka signifie « J’ai trouvé » en grec. C’est la réaction que peuvent avoir les personnes qui écoutent mes histoires et qui essayent d’en deviner la fin ! Ces dernières reposent en effet sur un twist, une révélation surprenante, qui donne soudain une autre couleur et compréhension du morceau. Une fois que l’auditeur a compris le sens de ce qu’il est en train d’écouter, il peut donc s’exclamer intérieurement « J’ai trouvé ! ». La plupart des gens s’amusent d’ailleurs à essayer de deviner la chute de chaque texte avant qu’elle n’arrive.
Quel est votre parcours ?
Lorsque j’étais adolescent, je rêvais de devenir scénariste pour le cinéma. Malheureusement, l’industrie du septième art ne s’est pas jetée sur moi pour solliciter mes idées (rires) ! Par défaut, je suis donc devenu journaliste radio pendant 15 ans pour l’antenne nationale de RCF. Cela m’a permis de développer un bagage technique et de nombreuses connaissances. J’aurais pu exercer ce métier jusqu’à ma retraite. Mais un matin, je me suis réveillé en réalisant que je n’étais pas épanoui, qu’écrire des histoires restait ma véritable passion. En 2015, une rupture amoureuse a fait basculer définitivement ma vie. Pendant trois semaines, mon existence n’avait à mes yeux plus aucune valeur. J’étais habité par le sentiment de n’avoir plus rien à perdre. Face à ces changements et cette remise en question, je pouvais me permettre de tout risquer, y compris ma vie professionnelle.
J’ai donc décidé de me lancer à corps perdu dans le slam. J’ai eu la chance de remporter rapidement plusieurs prix musicaux sur Lyon et sa région : le Tremplin TCL 2016, le Prix Paroles et Musique 2017, le Concours Incroyablement Lyon (dérivé de l’émission d’M6) 2017. J’ai ensuite été propulsé tête d’affiche de la Fête de la Musique par la Ville de Lyon, sur l’esplanade de l’Hôtel de Ville.
En 2018, j’ai gagné le Tremplin Ninkasi / Radio Scoop et décroche ainsi trois dates dans la célèbre salle lyonnaise.Dans la foulée, j’ai monté mon label J’ai Trouvé Productions, bénéficiant du coaching accélérateur de Gildas Lefeuvre (GL Connection).
Un an après cette rupture amoureuse, j’organisais mon pot de départ chez RCF. Je suis donc slameur à plein temps depuis 2016.
En dehors des concerts, j’anime des ateliers d’écriture dans les collèges, lycées, maisons de retraite, prisons, hôpitaux et MJC. Je forme aussi enfants et adultes à la prise de parole en public, pour des séminaires d’entreprise ou des concours d’éloquence en université et grandes écoles. Je suis également sollicité par de nombreux organismes spécialistes de la reconversion professionnelle qui sollicitent mon témoignage de vie sous forme de “conférences slamées” partout en France.
Votre album remporte un beau succès, avec 5000 exemplaires écoulés !
J’en suis très heureux en effet. J’ai envie désormais de faire connaître mon travail à plus grande échelle. Dans cette optique, j’ai engagé une attaché de presse, pour élargir mon exposition médiatique.
J’ai également sorti une réédition de mon album, avec des titres inédits et plein d’autres surprises cachées dans le livret !
Le slam est un genre particulier. Quel regard portez-vous sur cette discipline ?
Le slam peut sembler hermétique aux personnes qui n’en écoutent pas régulièrement. Mon style me permet de prendre les néophytes par la main, de les tenir en haleine, en faisant en sorte qu’ils fassent véritablement attention aux paroles jusqu’à la chute de l’histoire. J’ai récemment fait une petite étude pour connaître mon public, et j’ai découvert que celui-ci n’écoutait pas de slam avant moi : il s’agit principalement de personnes de 35 à 50 ans, de seniors et de CSP +. Donc, aux antipodes du public du slam en général ! Il faut dire que je parle aux gens de sujets qui les touchent, en faisant appel à leur intelligence et leur cœur. J’ai commencé à m’intéresser au rap et au slam lorsque j’étais ado. J’étais fasciné par la poésie qui se dégageait des boucles musicales, mais j’étais déçu de la pauvreté des sujets abordés. J’ai donc créé le texte et la musique que j’aurais voulu entendre !
Comment vous est venue l’idée de ce twist ?
J’adore les films de M. Night Shyalaman (Sixième Sens, Incassable). J’ai un grand plaisir à chercher à en deviner la chute lorsque je les découvre. Je me suis dit que si ce cinéaste m’avait donné tant de plaisir au cinéma, je pouvais en donner à d’autres personnes en appliquant ce principe au slam. Cette référence cinématographique est tout à fait assumée : mon album contient d’ailleurs deux interludes en forme d’hommage à ce cinéaste dont l’un se présente comme un jeu dans lequel il faut retrouver six de ses long-métrages cachés dans le texte !
Quels sont vos projets ?
J’ai fini d’écrire mon second album, “La Fin Justifie les Moyens”, en restant fidèle à ce concept de twist. Les idées ne me manquent pas ! J’écris aussi de plus en plus de slams de commande pour des organismes, des entreprises, des associations. C’est un moyen supplémentaire de me faire connaître. L’aventure ne fait que commencer !
Eurêka, slameur Eurêka, slameur
