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D’ART D’ART

La 17e Ă©dition de la Biennale d’art contemporain de Lyon investit cette annĂ©e des lieux emblĂ©matiques de la ville, dont les Grands Locos. Ce site industriel de 20 hectares, qui fut un centre nĂ©vralgique d’activitĂ© pendant prĂšs de 170 ans, accueille aujourd’hui des Ɠuvres contemporaines qui dialoguent avec son riche passĂ© ouvrier. Entre installations monumentales et performances audacieuses, chaque Ɠuvre invite Ă  une immersion unique au cƓur de cet espace chargĂ© d’histoire. AprĂšs mon interview de Sabine Longin, directrice gĂ©nĂ©rale des Biennales à Lyon, voici le compte-rendu de ma visite.

Sommaire

Un thĂšme porteur de sens : Les Voies des Fleuves

La Biennale s’articule cette annĂ©e autour du thĂšme Les Voies des Fleuves. Un choix symbolique, car au-delĂ  de la simple Ă©vocation aquatique, ce thĂšme invite Ă  une rĂ©flexion profonde sur les relations humaines et l’accueil de l’autre. Les fleuves, qui relient les terres et les peuples, deviennent une mĂ©taphore des liens qui nous unissent ou nous sĂ©parent. Les artistes ont interprĂ©tĂ© ce thĂšme de maniĂšre variĂ©e, en y insufflant leurs visions personnelles et en explorant ce qui nous lie, nous dĂ©lie, nous rassemble et nous divise. Dans un monde en quĂȘte d’altruisme et de dialogue, ce thĂšme rĂ©sonne avec force et justesse, encourageant les visiteurs Ă  se questionner sur leur propre rapport Ă  l’autre, sur ce qui fait et dĂ©fait les communautĂ©s.

Un lieu transformé : un dialogue avec le passé industriel

Les Grands Locos, autrefois dĂ©diĂ©s Ă  l’industrie ferroviaire, se mĂ©tamorphosent aujourd’hui en espace de crĂ©ation. Ce site industriel imposant, tĂ©moin des dĂ©cennies de travail ouvrier, est revisitĂ© par des artistes qui exploitent chaque recoin pour mieux en rĂ©vĂ©ler l’histoire. À travers des projections, des Ă©crans interactifs, et des installations en symbiose avec l’architecture, les Grands Locos deviennent le thĂ©Ăątre d’un dialogue entre passĂ© et prĂ©sent. Les traces d’usure, les lignes architecturales et les vastes espaces vides tĂ©moignent de l’époque oĂč ces lieux Ă©taient animĂ©s par des milliers de travailleurs. Les Ɠuvres s’intĂšgrent harmonieusement, en respectant cette mĂ©moire collective et en apportant des rappels visuels et thĂ©matiques qui soulignent le caractĂšre monumental de l’endroit. Par endroits, la nature reprend ses droits, symbolisant la rĂ©silience et le renouveau au sein de cet espace chargĂ© d’histoire.

Les oeuvres présentées aux Grandes Locos

Myriam Mihindou – LĂšve le doigt quand tu parles (2024)

DĂšs l’entrĂ©e dans le hall un, l’Ɠuvre de Myriam Mihindou impose une atmosphĂšre de puissance symbolique avec LĂšve le doigt quand tu parles. Cette installation prĂ©sente des moulages d’avant-bras de femmes, tendus vers le ciel, les doigts levĂ©s, dans un geste collectif et ambigu. Ce geste, Ă  la fois simple et chargĂ© de sens, rappelle les luttes fĂ©ministes, entre silence imposĂ© et revendications, entre rĂ©silience et rĂ©sistance. InspirĂ©e par les luttes sociales et syndicales, cette Ɠuvre entre en rĂ©sonance avec l’histoire des Grands Locos, ancien lieu de labeur ouvrier, en soulignant la dimension de rĂ©paration et de rĂ©sistance. Mihindou explore ici les thĂšmes de la mobilisation, de la rĂ©volte, et de la dignitĂ©, en invitant le spectateur Ă  rĂ©flĂ©chir sur la place des femmes, les droits humains et la mĂ©moire collective.

Nathan Coley – There Will Be No Miracles Here (2006)

L’installation lumineuse de Nathan Coley, intitulĂ©e There Will Be No Miracles Here, est Ă  la fois imposante et intrigante. ÉrigĂ©e sur des Ă©chafaudages, cette phrase, en lettres lumineuses, attire instantanĂ©ment le regard. InspirĂ©e d’une proclamation du XVIIe siĂšcle, utilisĂ©e pour restreindre les ardeurs religieuses dans un village de Haute-Savoie, cette Ɠuvre questionne la notion de foi, d’espoir et de miracles dans notre sociĂ©tĂ© moderne. Coley choisit cette expression pour interpeller le spectateur sur ses attentes, ses croyances, et la maniĂšre dont le dĂ©sir de « miracles » façonne notre vision du monde. En utilisant un lieu comme les Grands Locos, chargĂ© de labeur et de mĂ©moire industrielle, Coley juxtapose la rĂ©alitĂ© pragmatique de ce site avec une phrase qui rĂ©sonne comme un avertissement, voire une provocation. Une Ɠuvre qui invite Ă  la rĂ©flexion, en Ă©quilibrant ironie et profondeur.

Michel de Broin – Mortier Fati – Lignes de lumiĂšre (2024)

Dans les hauteurs des Grands Locos, Michel de Broin transforme l’espace avec Mortier Fati – Lignes de lumiĂšre. Son Ɠuvre, installĂ©e sur le plafond voĂ»tĂ©, utilise des matĂ©riaux bruts tels que le ciment, la chaux et le sable, rappelant la robustesse et la fonction utilitaire des Grands Locos. Cependant, de Broin va plus loin en insĂ©rant des lignes de lumiĂšre qui soulignent les fissures et les failles de la structure, symbolisant Ă  la fois la vulnĂ©rabilitĂ© des lieux et leur capacitĂ© de rĂ©silience. L’artiste explore ici la notion de rĂ©paration, non seulement au niveau physique, mais aussi en tant que mĂ©taphore des liens sociaux qui se tissent et se rĂ©parent au fil du temps. Mortier Fati devient ainsi un hommage Ă  l’endurance de la structure industrielle, et un Ă©cho Ă  l’effort collectif nĂ©cessaire pour rĂ©parer et rĂ©inventer nos relations et nos sociĂ©tĂ©s.

Hans SchabusMonument for People on the Move

Les installations sculpturales et architecturales de Hans Schabus rĂ©sultent d’une exploration trĂšs personnelle des lieux et des contextes d’exposition. L’artiste questionne les relations entre les Ɠuvres et leurs environnements, en utilisant des matĂ©riaux inattendus ou en jouant avec des circonstances improbables. Par des actes radicaux — creuser, combler, construire, couper —, Hans Schabus dĂ©truit et restructure l’espace, modifiant les repĂšres et les dĂ©placements du public et proposant une perception nouvelle des sites d’exposition.

AprĂšs une enquĂȘte sur l’histoire industrielle des anciennes usines dĂ©diĂ©es Ă  l’entretien et Ă  la rĂ©paration des trains de marchandises, Hans Schabus rĂ©alise pour les Grandes Locos une intervention sculpturale qui relie diffĂ©rentes halles. Aux dimensions d’un fuselage d’un Airbus A321, la structure prend en bois de Monument for People on the Move (Monument pour les personnes en mouvement) repose sur des essieux de trains, symboles de protection et d’étroitesse, qui s’opposent aux mouvements rapides des transports aĂ©riens. Empreint d’airs de rotondes ferroviaires et d’installations esthĂ©tiques (se rĂ©fĂ©rant Ă  des sculptures de motifs issus des toiles de Sigmar Polke et des reliefs de la SĂ©cession Ă  Vienne), l’Ɠuvre de Hans Schabus initie un dialogue avec l’espace oĂč les gens sont invitĂ©s Ă  traverser l’installation et Ă  interagir ensemble.

Ange LecciaTrois Temps

Depuis les annĂ©es 1980, Ange Leccia mĂšne parallĂšlement un travail sur l’image en mouvement et une rĂ©flexion sur l’objet Ă  partir de l’emploi de matĂ©riaux prĂ©existants. À travers la vidĂ©o et la sculpture, l’artiste dĂ©veloppe des « arrangements », au moyen de procĂ©dĂ©s de superposition et de confrontation, afin d’obtenir et de donner justice Ă  la relation entre les choses. DĂ©fenseur d’une pratique de la « manipulation », tant pour les objets que pour les images, il efface leur fonctionnalitĂ© au profit d’un questionnement fondĂ© sur leur signification et sur la maniĂšre dont ils reflĂštent la sociĂ©tĂ© qui les utilise.

InspirĂ© par l’histoire des Grandes Locos, ancien centre technique de la SNCF et tĂ©moin de l’histoire du chemin de fer, Trois Temps est un montage d’images vidĂ©ographiques issues de diffĂ©rentes temporalitĂ©s et gĂ©ographies. ProjetĂ©e dans des usines autrefois consacrĂ©es Ă  la rĂ©vision de locomotives Ă©lectriques et Ă  la maintenance des piĂšces dĂ©tachĂ©es, l’Ɠuvre vidĂ©ographique d’Ange Leccia associe les vues prises depuis les wagons de train ou des quais de gare Ă  travers le monde pour former un territoire en tension et en perpĂ©tuel mouvement. Son travail reflĂšte le format narratif du film cinĂ©matographique et privilĂ©gie le mode contemplatif par rapport Ă  la recherche de dĂ©filement et de l’instantanĂ©itĂ© lumineuse. Confrontant des paysages et des visages, Trois Temps est une mĂ©ditation sur la vitesse, le mouvement, et font Ă©cho Ă  la mobilitĂ© et au dĂ©placement des trains.

Feda Wardak – Les sols ont vibrĂ©

Le travail de l’architecte et artiste afghano-français Feda Wardak se dĂ©cline sous la forme d’installations monumentales dans le paysage, de crĂ©ations chorĂ©graphiques et de films. Il s’intĂ©resse Ă  des modĂšles d’organisation communautaire qui s’élaborent indĂ©pendamment de l’aide des pouvoirs publics. Au prisme des sciences politiques et sociales, ses dispositifs artistiques en rĂ©cit les violences invisibles qui agissent sur des environnements habitĂ©s.

Les sols ont vibrĂ© de Feda Wardak explore la destruction des karez afghans — ouvrages hydrauliques millĂ©naires de sous-sols — Ă  la suite des attaques de souterrains Air Force et leur reconstruction par les populations locales. L’installation met en relation en tension trois contextes spatiaux : le ciel, le sol et les sous-sols. Depuis le ciel s’exerce le contrĂŽle des forces amĂ©ricaines, les stigmates au sol y racontent les violences de l’appareil impĂ©rialiste, tandis que depuis les sous-sols la rĂ©sistance afghane ne fait pas Ă©cho Ă  l’étendue des galeries d’eau. Parmi les zones Ă©pargnĂ©es par les bombardements, se trouvent les vestiges des amĂ©nagements faits par Alexandre Le Grand, d’anciens savoirs de la lutte pour l’eau, protĂ©gĂ©s de l’Occident. L’artiste s’empare d’une civilisation de la rĂ©silience et entend se souvenir des savoir-faire hydrauliques afghans en y associant une lecture des conflits afin de proposer un sous-sol social, selon sa dĂ©finition, et s’emploie Ă  imaginer que l’infrastructure souterraine rĂ©pond aussi qu’à la surface.

La suspension immatĂ©rielle des Ă©lĂ©ments ouvre ainsi un espace d’hospitalitĂ©, vertical, et dans la dynamique des temps qui s’effacent face Ă  des rĂ©cits multiples de la destruction et de l’organisation des mondes. Les sols ont vibrĂ© examine diffĂ©rentes maniĂšres, sociales et spatiales, de prĂ©server une identitĂ© sociale, spatiale et culturelle afghane.

HĂ©lĂšne Delprat – Vous ĂȘtes en train de m’enregistrer ? (2024)

Dans Vous ĂȘtes en train de m’enregistrer ?, HĂ©lĂšne Delprat joue avec le thĂšme de l’omniprĂ©sence des dispositifs d’enregistrement et de contrĂŽle dans notre sociĂ©tĂ© contemporaine. En mĂ©langeant peinture, vidĂ©o, et sons enregistrĂ©s, elle crĂ©e une installation immersive et presque paranoĂŻaque. Les fragments visuels et sonores se chevauchent, offrant une mosaĂŻque de voix et d’images qui Ă©voquent Ă  la fois la surveillance et la vulnĂ©rabilitĂ©. Cette Ɠuvre questionne notre rapport Ă  l’intimitĂ© dans un monde oĂč tout est captĂ©, oĂč les frontiĂšres de la vie privĂ©e se dissolvent sous l’Ɠil insistant des camĂ©ras et des dispositifs numĂ©riques. Au sein des Grands Locos, lieu symbolique de transformation et de mĂ©moire, Delprat offre une rĂ©flexion sur les traces que nous laissons, volontaires ou non.

Pilar AlbarracĂ­n – Marmites enragĂ©es (2006)

Pilar AlbarracĂ­n nous plonge dans une atmosphĂšre de tension domestique avec Marmites enragĂ©es, une installation constituĂ©e de dizaines de cocottes-minute qui s’activent en libĂ©rant de la vapeur lorsque le visiteur s’approche. Symbole de la cuisine et des tĂąches domestiques traditionnellement associĂ©es aux femmes, cette installation dĂ©tourne ces objets pour en faire des instruments de revendication. Avec un rythme cadencĂ© qui Ă©voque l’Internationale socialiste, Marmites enragĂ©es devient une scĂšne de protestation silencieuse mais vibrante, Ă©voquant la rĂ©volte et la puissance latente. Dans le contexte des Grands Locos, ces marmites en Ă©bullition renvoient Ă  la fois aux luttes ouvriĂšres et aux combats fĂ©ministes, interrogeant la place des femmes dans la sociĂ©tĂ© et dans l’histoire.

Mona Cara – Le Cactus (2024)

InspirĂ©e par le cafĂ© VoĂŻla Ă  HyĂšres, l’Ɠuvre textile de Mona Cara intitulĂ©e Le Cactus interroge la notion d’identitĂ© collective et de rĂ©sistance sociale. En utilisant des matĂ©riaux comme le tissage jacquard, la dentelle et des fils recyclĂ©s, Cara crĂ©e un monde hybride et dystopique oĂč des figures inspirĂ©es de la culture populaire cĂŽtoient des symboles de luttes sociales. L’Ɠuvre Ă©voque l’idĂ©e de la rĂ©silience face aux dĂ©fis environnementaux contemporains. Avec un humour dĂ©calĂ©, Mona Cara utilise des rĂ©fĂ©rences culturelles telles que Doctor Who et Peppa Pig pour rappeler que le chaos de la sociĂ©tĂ© moderne peut aussi ĂȘtre source de renouveau et d’espoir.

Jean-Christophe Norman – Le Fleuve sans rives (2024)

L’installation de Jean-Christophe Norman, intitulĂ©e Le Fleuve sans rives, est une exploration introspective du temps, de l’espace et de la pratique de l’écriture. Construit Ă  partir de pages peintes Ă  l’huile et Ă  l’encaustique, l’artiste crĂ©e un fleuve de mots qui coule sans fin, oĂč chaque fragment littĂ©raire se nourrit des mots d’auteurs comme Conrad, Shakespeare, et Rimbaud. Cette Ɠuvre performative rend hommage Ă  la littĂ©rature de voyage et Ă  la quĂȘte de l’infini, transformant l’espace en une carte gĂ©ographique imaginaire. Elle invite les visiteurs Ă  naviguer au grĂ© des mots, comme on suit un courant, dans une expĂ©rience mĂ©ditative qui rappelle l’immensitĂ© des fleuves.

Nefeli Papadimouli – Idiopolis (I – X) (2024)

Dans Idiopolis (I – X), Nefeli Papadimouli explore la notion d’espace commun Ă  travers la relation entre l’architecture et le corps. Ses sculptures textiles, conçues avec des matĂ©riaux variĂ©s tels que le coton, le lin et le jonc de verre, sont Ă  la fois statiques et dynamiques, prĂȘtes Ă  s’animer sous l’impulsion d’acteurs ou de performers. InspirĂ©e par les anciens thĂ©Ăątres syndicaux, elle mĂȘle les notions d’indĂ©pendance et de cohĂ©sion pour symboliser un espace de rencontre et de cohabitation. Papadimouli propose ici une rĂ©flexion sur les connexions humaines et sociales dans des lieux collectifs, rappelant la mĂ©moire ouvriĂšre des Grands Locos.

Bastien David – Sensitive (2024)

PassionnĂ© par la richesse du monde sonore, Bastien David prĂ©sente Sensitive, une installation sculpturale et sonore qui s’apparente Ă  un organisme vivant. ConstituĂ©e d’instruments crĂ©Ă©s par l’artiste, l’Ɠuvre prend vie lorsque le public en active les Ă©lĂ©ments, dĂ©clenchant une symphonie de sons et de vibrations. Sensitive encourage la participation, et Ă  travers le contact physique et acoustique, elle illustre la maniĂšre dont les corps peuvent ĂȘtre en harmonie. Cette sculpture orchestrale propose une expĂ©rience immersive, oĂč chaque spectateur devient une note dans la mĂ©lodie collective, Ă  l’image des travailleurs des Grands Locos qui Ɠuvraient ensemble pour faire fonctionner cette gigantesque machinerie industrielle.

Andrius Arutiunian – End Pull (2024)

Dans End Pull, Andrius Arutiunian explore les notions d’accord social, esthĂ©tique et politique Ă  travers des formes hybrides de son et de vidĂ©o. L’Ɠuvre, tournĂ©e dans le lit d’une ancienne riviĂšre armĂ©nienne, interroge la rĂ©pĂ©tition et le rythme, rendant hommage au film Wavelength de Michael Snow. Arutiunian superpose des images hypnotiques de paysages et des sons atmosphĂ©riques, Ă©voquant les traditions et rituels liĂ©s Ă  l’eau. Cette installation immersive nous plonge dans un univers sensoriel, oĂč les rĂ©pĂ©titions crĂ©ent un Ă©tat hypnotique qui perturbe notre perception du temps et de l’espace.

Lina Lapelytė – The Speech (2024)

L’Ɠuvre The Speech de Lina Lapelytė remet en question le pouvoir du langage et la place de l’individu dans la communautĂ©. À travers une performance sonore et visuelle, Lapelytė explore l’absence de parole comme un moyen de communiquer des Ă©motions profondes. InspirĂ©e par les rĂ©cits de la nature et du silence, elle utilise des chants et des gestes pour exprimer les connexions entre les ĂȘtres vivants, crĂ©ant ainsi un langage universel qui transcende les mots. The Speech interroge la maniĂšre dont les ĂȘtres humains et animaux peuvent coexister et s’entendre sans le recours Ă  un langage articulĂ©.

Chourouk Hriech – L’Oasis des oiseaux (2024)

Chourouk Hriech nous transporte dans un univers poĂ©tique avec L’Oasis des oiseaux, une installation mĂȘlant dessins Ă  l’encre de Chine, vidĂ©os et compositions sonores. InspirĂ©e par les migrations d’oiseaux, l’Ɠuvre explore la libertĂ© et le voyage, en proposant des paysages imaginaires oĂč se rencontrent faune, flore et symboles gĂ©ographiques. La juxtaposition de motifs vĂ©gĂ©taux et architecturaux crĂ©e un univers visuel riche et foisonnant, invitant le visiteur Ă  voyager Ă  travers des Ă©poques et des territoires. L’installation symbolise les liens profonds entre l’homme et la nature, en rappelant que les migrations ne concernent pas uniquement les oiseaux, mais aussi l’humanitĂ© en quĂȘte de nouvelles terres et de libertĂ©.

Jesper JustInteroceptions, 2024

La pratique de Jesper Just s’articule autour de la vidĂ©o et de l’installation, qu’il associe dans des environnements Ă  l’architecture complexe. DĂ©plaçant les codes et les techniques du cinĂ©ma dans le domaine des arts plastiques, l’artiste met Ă  mal les schĂ©mas traditionnels et linĂ©aires de la narration et de la dramaturgie. En crĂ©ant des situations Ă©nigmatiques et ambiguĂ«s, il incite le public Ă  se confronter, non pas Ă  des mots ni Ă  des personnages, mais aux actions rĂ©alisĂ©es par les personnages, aux images, aux Ă©motions, les Ă©tats psychiques sur les relations portĂ©es par les Ɠuvres.

L’installation vidĂ©o Interoceptions met en scĂšne un espace-temps perturbĂ© d’une forĂȘt, plongĂ©e dans une mĂ©tamorphose continuelle entre le jour et la nuit. La forĂȘt est filmĂ©e six fois dans la mĂȘme journĂ©e. RĂ©unis bout Ă  bout, les diffĂ©rents moments tissent ensemble dans la machine Ă  remonter le temps, l’Ɠuvre vidĂ©o fait visuellement allusion aux dispositifs des musees prĂ©-cinĂ©matographiques, alors que le son est intensĂ©ment circulaire. La structure en tubes de l’installation renvoie Ă  la treille et en tant qu’élĂ©ment Ă  la fois d’ouverture et de fermeture entre l’espace d’exposition et l’espace cinĂ©matographique. Dans la Rome antique, les colonnes et les clĂŽtures servaient Ă  s’y formater ainsi des lieux de sociabilitĂ© frontaliers. L’idĂ©e de la sĂ©gregation, avec les passerelles symboliques d’ouverture dans des lieux intermĂ©diaires et marginaux.

Juliette Green – Dans le train, 2024

Juliette Green est nĂ©e en 1995 Ă  Semur-en-Auxois, France, et vit Ă  Paris. Son travail est basĂ© sur des illustrations explorant des rĂ©cits fictifs, souvent sous forme de cartographie et d’inventaire, pour offrir une relecture poĂ©tique des expĂ©riences du quotidien. Avec Dans le train, elle Ă©voque des rencontres brĂšves et intenses, oĂč les voyageurs, observateurs silencieux, partagent un espace commun. L’installation cĂ©lĂšbre ces instants Ă©phĂ©mĂšres et propose une rĂ©flexion sur le rĂ©seau complexe des liens, des souvenirs et des expĂ©riences collectives et personnelles vĂ©cues dans le cadre de la mobilitĂ© urbaine. Ses dessins proposent un espace narratif oĂč les voix s’entremĂȘlent, crĂ©ant une cartographie humaine et sensorielle du voyage en train.

ClĂ©ment Courgeon – La chariotte des malins, 2024

NĂ© en 1997 Ă  Paris, France, ClĂ©ment Courgeon est un artiste pluridisciplinaire qui s’inspire des traditions carnavalesques et des pratiques populaires. La chariotte des malins est une Ɠuvre qui invite le spectateur Ă  interagir avec un dispositif mobile oĂč se croisent performances et installations. L’artiste revisite l’univers forain et des marionnettes Ă  la française, proposant une vision contemporaine et engagĂ©e du divertissement. Cet espace mouvant, animĂ© par Courgeon et ses complices, devient un lieu de rencontre et de rĂ©flexion pour le public, interrogeant la limite entre l’artiste et le spectateur.

Healthy Boy Band feat. Public Possession (Collectifs basés à Vienne, Autriche et Munich, Allemagne)- Public Health Care, 2024

FondĂ© par les chefs Lukas Mraz, Philip Rachinger et Felix Schellhorn, le collectif Healthy Boy Band dĂ©veloppe une approche Ă  l’intersection de la cuisine et de la crĂ©ation artistique, entre restauration rapide et haute gastronomie, installation participative et performance collective. Fondateur du magazine Healthy Times, crĂ©Ă© autour d’une eau de ski Ă  partir de neige fondue et de sirop de framboise, organisateur d’une course de fond Save the Queen (La course sauve la reine), le groupe favorise l’alimentation et l’improvisation dans ses actions pluridisciplinaires. Envisageant la collaboration des artistes, photographes, musicien·nes et cuisinier·es au sein d’une installation multi-sensorielle ouverte au public, l’Ɠuvre Public Health Care rĂ©alisĂ©e en collaboration avec Public Possession, un collectif fondĂ© en 2012 par Valentino Beltz et Marvin Schuhmann, lui ont pensĂ© les rites de la table, le design graphique et les happenings.

ConsidĂ©rant qu’un cafĂ©, un restaurant ou tout espace de restauration est un lieu d’ouverture Ă  l’autre, les collectifs Healthy Boy Band et Public Possession se sont pour l’Ɠuvre Public Health Care Ă  Sandwip, pour ouvrir temporairement leur canot d’un table durable, en pensant la diversitĂ© culturelle en sociĂ©tĂ©. L’installation revisite la dissĂ©mination des produits alimentaires et des savoir-faire liĂ©s Ă  la fermentation, le plaisir de la table et l’art d’hĂ©riter ensemble de nouvelles formes de gastronomie et de rites collectifs.

Bocar NiangMurdesmots, 2024

Bocar Niang est issu d’une famille de griots : poĂštes, conteurs, qui ont pour tĂąche de conserver et de transmettre les traditions orales des communautĂ©s africaines. Sa recherche artistique se fonde d’Afrique. Sa recherche d’énervement qui fait la rĂ©cite d’histoires performantes orales Ă  partir de recueils sonores, des textes et enregistrements multilingues contemporains, afin de crĂ©er de nouvelles narrations et Ă  partager et Ă  l’égard de la culture de griots de conscience des histoires qu’ont renforcĂ© les liens entre les individus.

Suspendue dans les halles des Grandes Locos, l’installation textile Murdesmots compose un rĂ©cit poĂ©tique dans l’espace : soixante-dix mots, glanĂ©s par l’artiste au cours de ses dĂ©placements, sont traduits et symboles de la française, italien, peul et wolof. Rencontre entre les langues, un acte de dictionnaire visuel constitue le livre sonore de la poĂ©sie multiculture. Actes par Bocar Niang Ă  l’occasion de lectures publiques, le Murdesmots invite au partage, Ă  la prise de parole, Ă  la polyphonie et Ă  toutes les formes d’oralitĂ©, dĂ©clamĂ©es, chantĂ©es et jouĂ©es.

Deimantas NarkeviciusStains and Scratches, 2017

Toute l’Ɠuvre vidĂ©o de Deimantas Narkevičius explore l’histoire Ă  partir d’un point de vue subjectif. Recourant souvent Ă  l’esthĂ©tique et aux techniques du cinĂ©ma documentaire, l’artiste utilise des interviews, des images d’archives et des voix off pour examiner les relations entre souvenirs personnels et toutefois compte de l’impossibilitĂ© d’adopter un regard objectif sur les Ă©vĂ©nements et la complexitĂ© de la mĂ©moire. S’ils Ă©voquent toujours sa Lituanie natale, ses films trouvent une rĂ©sonance plus large en tant qu’études poĂ©tiques et politiques de vies ordinaires vĂ©cues Ă  l’époque de grands bouleversements.

Jouant sur des effets d’illusion stĂ©rĂ©oscopique, l’installation vidĂ©o Stains and Scratches (TĂąches et rayures) renvoie Ă  un Ă©pisode mĂ©morable de la culture alternative lituanienne. Un vinyle de l’opĂ©ra rock JĂ©sus Christ Super Star parvient clandestinement sur la scĂšne underground par un groupe d’étudiant·es, qui interprĂšte ensuite la comĂ©die musicale interdite Ă  l’Institut d’art de Vilnius le 25 dĂ©cembre 1971. C’est Ă  partir de la seule trace matĂ©rielle de l’évĂ©nement — le film Super 8mm, sans son, abĂźmĂ© par le temps — que Deimantas Narkevicius dĂ©cide de reconstituer le concert. La numĂ©risation du film en noir et blanc et sa transformation en projection 3D permettent d’entrevoir un opĂ©ratique faite de gestes et d’illusions corrodĂ©es face les aspirations politiques, artistiques et personnelles de la jeunesse se confrontant au mutisme et Ă  l’immobilisme informationnels. À partir d’une exploration de la matĂ©rialitĂ© du support — ses taches et ses rayures — l’Ɠuvre de Deimantas Narkevicius donne Ă  voir et Ă  entendre un morceau d’histoire.

Nathan ColeyBurn the Village, Feel the Warmth

Les Ɠuvres de Nathan Coley questionnent la charge sociale et politique de l’architecture et de l’espace public, leurs influences sur les comportements et le mode de pensĂ©e des populations. Qu’il s’agisse d’installation, son travail artistique comme un outil de communication entre un site et un public : « Mes objets peuvent parler en mon absence Â», affirme-t-il. TraversĂ© par les questions d’identitĂ©, de propriĂ©tĂ© et de croyance, le travail de Nathan Coley invite Ă  la rĂ©flexion, au dĂ©bat et Ă  l’engagement.

MontĂ©es sur des Ă©chafaudages, les enseignes lumineuses de Nathan Coley se composent de mots issus de diffĂ©rents contextes, tels des extraits de textes historiques, de chansons populaires ou encore de brĂšves sociales Ă  la suite d’émeutes survenues dans les rues de Londres au cours de l’étĂ© 2011, l’expression Burn the Village, Feel the Warmth (BrĂ»ler le village, sentir la chaleur) dĂ©crit le sentiment de mĂ©contentement qui a Ă©veillĂ© la colĂšre des manifestant·es. Criant une injustice que subissent les populations des destructions qui pourraient advenir si les injustices ne sont pas portĂ©es dans le dĂ©bat. PlacĂ©e dans des anciennes usines ferroviaires, l’énonciation rĂ©sonne Ă  l’intĂ©rĂȘt de Nathan Coley que l’appropriation d’une formule ou le parapluie la politique d’un territoire. De par l’usage de l’échafaudage, portable — et de sa rĂ©sonnance possible dans un autre contexte.

Olivia Funes Lastra- Au-delĂ  de la mer, une riviĂšre (Beyond the sea, a stream)

Abstrait et colorĂ©, le travail pluridisciplinaire d’Olivia Funes Lastra explore les thĂšmes de l’hybridation, de la traduction et des pigments. Utilisant des tissus teints et peints, l’artiste assemble des architectures Ă©phĂ©mĂšres mobiles aux portemanteaux suspendus. Cette installation invite les spectateurs Ă  redĂ©couvrir les formes et les couleurs Ă  travers une sorte de voyage poĂ©tique.

Espace collectif structurĂ© autour de couleurs vives et de formes fluides, l’Ɠuvre de Lastra offre un Ă©cho aux scĂšnes industrielles et Ă  l’histoire des Grands Locos, transformĂ©s ici en une scĂšne de la diversitĂ© et de la rencontre culturelle.

Jeremy Deller

Attentif Ă  l’histoire sociale, Ă  l’actualitĂ© politique et Ă  la mĂ©moire collective, Jeremy Deller dĂ©veloppe une pratique qui Ă©volue entre art conceptuel, performance, installation et vidĂ©o. PrĂ©fĂ©rant « travailler avec les gens plutĂŽt qu’avec les choses », l’artiste assemble des personnes issues d’horizons diffĂ©rents pour crĂ©er des instances de dĂ©sobĂ©issance et de rĂ©bellion aussi variĂ©es que des fĂȘtes populaires, des archives documentaires ou des supports militants. Depuis 2000, il collabore avec Ed Hall, qui rĂ©alise des banniĂšres pour des syndicats politiques ou des associations britanniques.

Les banniĂšres de Jeremy Deller affichent des messages que chacun peut comprendre et faire siens – « Nous avons besoin de plus de poĂ©sie », « Fumer tue », « À chaque Ă©poque son fascisme »  Jouant avec les couleurs et les hauteurs, ces banderoles Ă©voquent les parades populaires et cĂ©lĂšbrent des valeurs fortes de solidaritĂ© entre les peuples. « J’adore les drapeaux – et peut-ĂȘtre que tous les humains, cela fait presque partie de notre ADN d’ĂȘtre instinctivement attirĂ©s » en raison des grands Ă©vĂ©nements publics qui nous rassemblent » affirme l’artiste. ComplĂ©tĂ©es par des vidĂ©os documentant des processions et marches de protestation, elles abordent des questions de dignitĂ©, de mĂ©moire et d’appartenance, et sont installĂ©es dans les Grands Locos, anciennement des ateliers ferroviaires, les installations textiles et vidĂ©o de Jeremy Deller rappellent l’esprit des luttes des ouvriers de la SNCF et les grandes parades syndicales qui animaient autrefois les lieux.

Hervé Troccaz

Notre avis : un voyage artistique au cƓur de la mĂ©moire industrielle

AprĂšs les usines Fagor en 2022, la Biennale d’art contemporain de Lyon investit cette annĂ©e un autre espace emblĂ©matique de l’histoire industrielle lyonnaise : les Grandes Locos. Ce lieu, chargĂ© de mĂ©moire, apporte une nouvelle dimension aux Ɠuvres qui y sont prĂ©sentĂ©es. Le hall 1, vĂ©ritable cathĂ©drale de mĂ©tal et de lumiĂšre, se rĂ©vĂšle grandiose et sublime les installations. Les artistes semblent avoir intĂ©grĂ© la monumentalitĂ© de cet espace, crĂ©ant des Ɠuvres Ă  l’ampleur impressionnante, parfaitement en dialogue avec cette architecture industrielle. Les Grandes Locos accueillent sans conteste les propositions les plus saisissantes de l’Ă©vĂ©nement, offrant un parcours spectaculaire qui captive le visiteur dĂšs les premiers pas.

Chacun pourra y trouver son compte, tant les propositions sont hĂ©tĂ©rogĂšnes, passant de la performance sonore aux sculptures monumentales. Nos coups de cƓur vont sans hĂ©siter aux cocottes-minutes de Pilar AlbarracĂ­n. Cette installation audacieuse dĂ©tourne l’objet de cuisine pour en faire un outil de protestation : les jets de vapeur se synchronisent avec l’Internationale, transformant un symbole domestique en un manifeste fĂ©ministe et social. De mĂȘme, l’Ɠuvre poĂ©tique de Chourouk Hriech, L’Oasis des oiseaux (2024), invite Ă  une Ă©chappĂ©e onirique et un dialogue harmonieux entre nature et urbanitĂ©. Les oiseaux migrateurs, symboles de libertĂ© et de voyage, peuplent cet univers Ă  la fois serein et foisonnant de dĂ©tails, capturant l’essence du lien entre l’art et l’environnement.

L’un des points forts de cette Biennale rĂ©side dans le rapport Ă©troit entre art et espace, qui rend cette Ă©dition particuliĂšrement immersive et intĂ©ressante. Les Ɠuvres dialoguent avec les lieux, jouent avec les volumes et exploitent l’acoustique, provoquant des Ă©motions trĂšs diverses chez les visiteurs. On passe tour Ă  tour par l’étonnement, face aux installations imposantes et parfois insolites, et par l’amusement, notamment avec des Ɠuvres plus ludiques et interactives. L’immensitĂ© des Grandes Locos permet Ă  l’art contemporain de s’exprimer sans restriction, offrant un vĂ©ritable spectacle sensoriel.

Par contraste, la CitĂ© Internationale de la Gastronomie, autre site de la Biennale, laisse une impression plus mitigĂ©e. Bien que l’idĂ©e de lier art et gastronomie soit sĂ©duisante, le rĂ©sultat manque de l’authenticitĂ© brute que l’on retrouve aux Grandes Locos, l’ensemble paraissant quelque peu aseptisĂ© et en dĂ©calage avec l’esprit crĂ©atif et audacieux de la Biennale.

Au MusĂ©e d’Art Contemporain (MAC), la Biennale explore d’autres mĂ©diums : peinture, vidĂ©o et photographie sont davantage Ă  l’honneur. Le MAC se distingue ainsi comme un espace plus introspectif, oĂč l’on prend le temps de s’immerger dans des Ɠuvres contemplatives, offrant une expĂ©rience complĂ©mentaire Ă  celle des Grandes Locos.

Cette Ă©dition de la Biennale de Lyon se rĂ©vĂšle particuliĂšrement riche et aboutie. Elle rĂ©ussit Ă  captiver un large public en jouant sur la diversitĂ© des formes et des propositions artistiques, tout en tirant pleinement parti des espaces emblĂ©matiques de la ville. Les Grandes Locos, avec leur charme industriel, constituent un Ă©crin unique pour les installations les plus marquantes, oĂč chaque recoin devient une invitation Ă  la dĂ©couverte et Ă  la rĂ©flexion.

Biennale d’art contemporain de Lyon 2024 – Informations pratiques

17e biennale d’art contemporain de Lyon 2024, Les voies des fleuves

📅 Du 21 septembre 2024 au 5 janvier 2025

Les Grandes Locos

📍10 rue Gabriel PĂ©ri

69350 La MulatiĂšre

🚇  Gare d’Oullins

Tarifs et rĂ©servations pour la Biennale d’art contemporain 2024

Vous devrez acheter vos billets sur la billetterie en ligne ou sur place.

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