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Depuis plus de quinze ans, le festival Lumière s’attache à remettre en lumière des œuvres méconnues réalisées par des femmes cinéastes. Après avoir honoré des figures telles qu’Ida Lupino, Dorothy Arzner, Larissa Chepitko et Kinuyo Tanaka, c’est au tour de Matilde Landeta, pionnière du cinéma mexicain, d’être célébrée dans le cadre de la section Histoire permanente des femmes cinéastes.
Une anecdote marquante raconte qu’afin de devenir « premier assistant », rôle alors exclusivement réservé aux hommes, Matilde Landeta se serait présentée sur un plateau déguisée en homme, portant un costume masculin et une fausse moustache, et adoptant une voix grave pour commander le silence sur le tournage. Suite à cette audace, les autorités du cinéma mexicain acceptèrent de lui accorder ce poste, jusque-là inaccessible, alors qu’elle avait déjà acquis une solide réputation en tant que scripte.
Née en 1913 dans une famille aisée, Matilde Landeta fit la découverte du septième art grâce à son frère Eduardo, devenu acteur. Cependant, sa vocation pour la réalisation fut une lutte constante, jalonnée de trahisons et de désillusions. On raconte ainsi qu’un banquier, après avoir lu un scénario qu’elle avait écrit en vue de le réaliser, le confia à un autre metteur en scène. De plus, ses premiers films furent boycottés par les distributeurs.
Née en 1910 à Mexico, elle demeure une figure emblématique et pionnière du cinéma mexicain, ayant marqué l’histoire par sa ténacité et son engagement en tant que femme réalisatrice dans un milieu largement dominé par les hommes. Tout au long de sa carrière, elle a lutté pour faire entendre sa voix et défendre une vision cinématographique distincte, centrée sur des personnages féminins forts et des thématiques sociales souvent ignorées par le cinéma de son époque.
Un parcours semé d’embûches
Matilde Landeta découvre le monde du cinéma grâce à son frère Eduardo, acteur de profession. Fascinée par cet univers, elle décide très tôt qu’elle se consacrera à la réalisation. Cependant, ses ambitions se heurtent à une industrie qui réserve les postes de pouvoir aux hommes. Elle commence donc sa carrière comme scripte, un métier alors jugé acceptable pour une femme, mais qui ne satisfait pas son désir de création. Malgré sa compétence et son expérience, elle doit affronter de nombreux obstacles pour obtenir une place derrière la caméra.
Une œuvre centrée sur les femmes et les inégalités sociales
La cinéaste réalisa finalement son premier film en 1949, Lola Casanova, qui lui permit de mettre en avant son engagement pour la représentation des femmes à l’écran. Ce film, ainsi que ses réalisations suivantes comme La negra Angustias (1950), se démarquent par leur volonté de donner une voix aux héroïnes féminines, souvent marginalisées ou cantonnées à des rôles secondaires dans le cinéma de l’époque. Elle met en scène des femmes courageuses, complexifiées par leurs luttes contre la société patriarcale, mais aussi par leur propre quête de liberté et de justice.
L’un des grands thèmes qui traverse son œuvre est l’inégalité sociale et l’injustice, particulièrement en ce qui concerne le sort des femmes et des classes populaires. Landeta n’hésite pas à dénoncer les structures oppressives de la société mexicaine de son temps, tant dans ses relations de genre que de classe. Cette approche engagée lui valut des critiques et des difficultés à trouver un financement pour ses projets.
Une carrière marquée par la résistance
Malgré son talent et sa passion, Matilde Landeta fit face à de nombreuses formes de résistance et d’injustices dans le milieu du cinéma. Elle raconte ainsi qu’un banquier, ayant accepté de financer l’un de ses scénarios, confia celui-ci à un autre réalisateur sans la consulter, l’excluant ainsi de son propre projet. De plus, ses films furent souvent victimes de boycotts de la part des distributeurs, un autre obstacle majeur pour une femme dans l’industrie cinématographique à l’époque.
Ces multiples revers n’entamèrent cependant pas sa détermination. Elle continua à réaliser et écrire des films, tout en développant une carrière prolifique comme scénariste. Son travail inspira de nombreuses générations de réalisateurs et réalisatrices qui suivirent ses pas.
Un héritage indélébile
Matilde Landeta reçut plusieurs reconnaissances au cours de sa carrière, mais c’est surtout dans les dernières années de sa vie, et après sa mort en 1999, que son œuvre a commencé à être véritablement redécouverte et réévaluée. Elle a ouvert la voie à d’autres femmes cinéastes, non seulement au Mexique, mais aussi dans le monde entier, en montrant qu’il était possible, même dans un milieu fermé, de briser les barrières et de se battre pour des histoires qui comptent.
Elle demeure un exemple de courage et de persévérance pour toutes celles et ceux qui souhaitent faire entendre des voix différentes à travers le cinéma.
Aujourd’hui, ses films, qui restent emblématiques de la lutte pour la reconnaissance des femmes dans l’industrie cinématographique, sont redécouverts avec un regard nouveau, révélant non seulement une grande réalisatrice, mais aussi une femme engagée qui a laissé une empreinte durable sur l’histoire du cinéma mexicain et mondial.
Hervé Troccaz
Matilde Landeta, pionnière du cinéma mexicain – Festival Lumière 2024 – Grand Lyon Film Festival :
informations – Horaires – Tarifs
La programmation
Lola Casanova de Matilde Landeta (1949, 1h30)
Fin du XIXe siècle au Mexique, une tribu d’Indiens organise sa révolte et enlève la fille d’un notable, Lola Casanova. Elle finit par s’adapter… Un plaidoyer pour l’émancipation féminine et le métissage culturel.
Pathé Bellecour ma 15 21h15 | Institut Lumière (Villa) je 17 16h15 | Institut Lumière (Villa) je 17 16h30
La Negra Angustias de Matilde Landeta (1950, 1h26)
Une nuit Angustias est suivie par un homme qui tente de la violer. Elle l’attaque et le tue. Elle fuit alors son village et s’enrôle dans une troupe zapatiste… Personnage critiqué mais très audacieux dans sa représentation d’une femme libre.
Pathé Bellecour jeudi 17 19h15 | Institut Lumière (Villa) vendredi 18 21h30 | Institut Lumière (Villa) vendredi 18 21h45
Trotacalles de Matilde Landeta (1951, 1h41)
Deux sœurs que la vie a séparées, l’une mariée à un homme riche et l’autre devenue prostituée, se retrouvent manipulées par le même homme… Un mélodrame subtil dénonçant le machisme dominant.
Institut Lulmière (Hangar) dimanche 13 9h15 Lumière Terreaux mardi 15 11h | Pathé Bellecour mercredi 16 21h30
Tarifs et horaires
Pour plus d’informations sur le Festival Lumière 2024 – Grand Lyon Film Festival, y compris les renseignements, les horaires et les tarifs, visitez le site www.festival-lumiere.org et consultez la page Facebook du festival. Vous pouvez également, si vous êtes cinéphile, visiter le Musée Lumière qui a été entièrement rénové.
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