TOI MON TOIT
Le Musée Urbain Tony Garnier propose une excellente exposition qui permet de retracer les remarquables évolutions en matière d’habitat en un siècle. Une question essentielle, abordée hier à aujourd’hui, via sept univers surprenants. Passionnant !
Cette exposition, en référence au livre La vie mode d’emploi de Georges Perec (1978, prix Medicis), a nécessité un an de préparation et d’anticipation.
Les visiteurs sont immergés dans l’habitat insalubre du XIXe siècle. Puis ils cheminent au gré de l’évolution de la société, de l’histoire de Lyon et de la France. Sur les objets ou meubles utilisés, figurent les récits et chiffres qui permettent de mieux appréhender les époques, du bâti insalubre aux appartements modernes.
Quand on habite en ville
Au cours du XXième siècle, la France entre progressivement dans la société industrielle. En 1850, trois quarts des 36 millions de français sont ruraux, en majorité des paysans. En quelques décennies, quatre grandes régions industrielles, Paris, Lyon, Saint -Etienne, la Meurthe-et-Moselle, vont absorber à elles seule plus de la moitié des citadins.
La mobilité professionnelle est déjà une habitude, mais ces migrations deviennent définitives avec l’attractivité exercée par les grandes cités. Le textile, la mine, la métallurgie, la chimie, tirent la croissance. Une main d’oeuvre modeste composée d’employés, de domestiques et de petits artisans cherchent à trouver un toit au plus près du travail.
Le nomadisme s’instaure au gré des emplois, tandis que les villes peinent à absorber cet afflux soudain de population.
L’habitat vétuste et dégradé coûte moins cher. Il devient le refuge des populations les plus démunies. Pour beaucoup, se loger est synonyme de cohabitation dans un taudis insalubre.
En un temps où l’eau ne coule pas toujours sur l’évier, chacun s’efforce de tenir propre son linge et son intérieur. Quand les gains augmentent et que le pouvoir d’achat progresse, les français font des efforts de toilette pour paraître, mais aussi pour adopter pleinement le mode de vie des citadins.
A partir de 1850, la généralisation des machines à vapeur permet l’alimentation des villes en eau potable. Un siècle plus tard, 70 % des communes rurales ne sont toujours pas desservies. Il faut attendre la fin des années 80 pour que la quasi-totalité des français en bénéficient.
L’appartement pour vivre heureux
Dans les années 50, il n’y a pas d’actualité plus aigüe que des milliers de Français que le problème du logement. Le pays se reconstruit sur les plaies des bombardements. L’ennemi, c’est la misère. Le temps des cités heureuses est arrivé. Le bonheur doit venir des grands ensemble de béton et de verre où il fera bon vivre en famille.
Les obstacles matériels sont nombreux : matières premières, financement, main d’œuvre. L’Etat est aux commandes. Le coût onéreux des constructions impose des programmes immobiliers rationnels qui donnent naissance aux « machines à habiter ».
L’appartement idéal, le « 4 pièces radieux », doit répondre avec ses 74 m2 aux besoins des jeunes ménages avec deux enfants. L’habitat collectif, et plus particulièrement l’Habitat à Loyer Modéré logent en masse les néo citadins, qu’ils soient venus des pays étrangers ou des territoires ruraux. La sérialisation du logement et sa standardisation conduisent à l’adoption de nouvelles normes sociales et techniques.
Masures et mansardes
Déjà au Siècle des Lumières, les aéristes avaient donné l’alerte, évoquant dans les grandes villes l’étroitesse des rues et les logements infects. La première loi de salubrité publique est votée le 3 avril 1850, mais elle sera cependant longtemps ignorée dans une partie du pays.
Pourtant les villes dirigées par des maires pleinement conscients de la gravité de l’urgence sanitaire, engagent de grands travaux. A Paris, Haussmann s’empare de la question de l’air, Vaïsse signe en 1853 un des premiers contrats d’adduction d’eau potable avec la Générale des Eaux.
A la fin du XIX ième siècle, le combat pour l’hygiène urbaine et la lutte contre les logements insalubres sont en marche. Premier triomphe public pour l’hygiène à l’exposition internationale urbaine de 1914 qui permet de prendre conscience du chemin parcouru.
Au final, il aura fallu plus d’un siècle de lois pour sortir les plus modestes des taudis, plus d’un siècle de construction pour permettre à l’ensemble de la population l’accès à un logement confortable, plus d’un siècle de débats pour affirmer que l’habitat demeure un bien de première nécessité.
Les chiffres font froid dans le dos : en 2017, on comptait encore quatre millions de personnes sans abri, mal logées ou sans logement et 12 millions de personnes fragilisées.
Hervé Troccaz
SITE OFFICIEL DU MUSÉE URBAIN TONY GARNIER
La vie mode d’emploi
Jusqu’au 16 décembre 2018 au Musée Urbain Tony Garnier.
Ouvert du mardi au dimanche de 14 h à 18 h
fermé le lundi
et les jours fériés
ouverture exceptionnelle
les 1er et 11 novembre 2017
et 2018
Tarif 5€
4€ réduit
Gratuit moins de 12 ans