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Musée des Confluences : exposition Le monde en tête, la donation Antoine de Galbert
Musée des Confluences : exposition Le monde en tête, la donation Antoine de Galbert

Après Coléoptères et Désir d’Art, le Musée des Confluences présente sa prochaine grande exposition : «  Le monde en tête, la donation Antoine de Galbert ». Ouverture le 6 juin 2019.

L’humanité se couvre la tête. Etonnante, parfois spectaculaire, la coiffe la protège du soleil ou des intempéries. Elle confère à l’individu qui la porte une protection toute symbolique aussi. Couvre-chefs, bonnets de plumes et couronnes peuvent être des emblèmes de pouvoir ou d’identité. Dans bon nombre de sociétés, elles marquent le statut de l’individu: jeune marié, danseur, chamane, guerrier ou monarque…

De la donation à l’exposition

Fondateur de la Maison rouge à Paris, Antoine de Galbert a réuni depuis presque 30 ans plus de 500 coiffes, émerveillé qu’il fût par leur beauté ou l’étrangeté de leurs formes. En 2017, il a choisi de donner au musée des Confluences l’ensemble de son extraordinaire collection.

Dévoilant cette passion, l’exposition transporte le visiteur autour du monde, à la découverte d’une sélection de 334 coiffes et costumes dont les usages, formes, matériaux et techniques reflètent la diversité des cultures du monde.

La plus vaste salle d’exposition du musée permet d’embrasser d’un seul regard cette grande variété. Dans ce paysage singulier, le visiteur, d’abord attiré par l’esthétique de ces objets, est invité à déambuler de thèmes en thèmes – plumes d’Amazonie, coiffes de mariages, symboles de pouvoir, etc. – afin d’en comprendre les usages.

La donation Antoine de Galbert

Pendant presque 30 ans, Antoine de Galbert a collecté plus de 500 coiffes, auprès de galeristes, d’antiquaires, au cours de ses voyages, au fil de ses rencontres et de ses coups de cœur. Son rapport aux coiffes est instinctif, ludique et spontané. Avant d’acquérir un objet, le collectionneur devait sentir, avoir un contact autant physique qu’intuitif avec celui-ci. Le plus souvent, c’est la forme de la coiffe, avant son histoire, qui s’est avérée déterminante dans son choix. Anciens ou récents, venant d’Océanie, d’Amérique, d’Afrique ou d’Asie, ces couvre-chefs de toutes sortes sont composées de matériaux aussi variés que des métaux précieux, plumes colorées, cheveux, perles, bois, terre, tissu, peaux… Au-delà de leur esthétique, ces coiffes ont chacune des fonctions protectrices, sociales, identitaires ou symboliques et en cela, elles constituent une véritable porte d’entrée sur l’immense diversité culturelle, passée et actuelle de notre monde.

« En contemplant ma collection de coiffes, j’ai le sentiment jubilatoire de faire le tour du monde, d’accomplir une sorte de voyage immobile, d’aventure intérieure et mentale comme on en fait parfois du fond de son lit. En fait, cette collection reflète une certaine forme de romantisme, nourrie par les lectures des récits des grands voyageurs. » (Extrait du catalogueVoyage dans ma tête)

Antoine de Galbert a choisi de faire don de l’ensemble de sa collection au musée des Confluences, désireux que celle-ci trouve sa place dans un lieu où nature et culture se trouvent expliqués. « Le musée des Confluences, par son approche interdisciplinaire, est à l’image des croisements qui ont jalonné ma vie. Remettre l’ensemble de ma collection de coiffes à cette institution est, à ce titre, d’une grande cohérence. » soulignait en 2018 le donateur. Lyon est également la ville dans laquelle Antoine de Galbert a été initié à l’art primitif. En confiant sa collection 30 ans plus tard à une jeune institution lyonnaise et à ses collections séculaires, il renoue avec sa région d’origine.

Le catalogue de l’exposition

Le monde en tête. La donation Antoine de Galbert

D’un continent à l’autre, ce catalogue, richement illustré de photographies inédites, emmène le lecteur à la découverte de plus de cinq cents coiffes, symboles des cultures du monde. Cet ouvrage invite à la contemplation et à l’étude de la coiffe, son esthétisme, sa matière, mais également le rôle, le statut et la nature qu’elle offre à chacun de ses détenteurs. Variées, étonnantes, spectaculaires, les coiffes se révèlent et suscitent la curiosité sur leurs véritables fonctions…

Ce catalogue propose une double approche celle du collectionneur nourri de la beauté, de l’étrangeté, de l’exotisme et celle du musée qui se concentre sur l’histoire, les peuples, la réalité de l’utilisation pour comprendre ces objets dans leur contexte vivant.

Une coédition musée des Confluences – Le Seuil
332 pages et près de 700 images – Relié – 240 x 285 mm Parution 6 juin 2019
En vente au musée des Confluences et en librairie
Prix : 42 €

Sommaire

Préface de la Présidente de l’Établissement public du musée des Confluences, Myriam Picot Préface de la directrice du musée des Confluences, Hélène Lafont-Couturier
Préambule d’Aline Vidal, La coiffe des rotateurs
Partie 1 : Antoine de Galbert, un collectionneur, une collection

Entretien avec Antoine de Galbert par Hélène Lafont-Couturier

Partie 2 : Une collection du musée des Confluences, un regard ethnologique et anthropologique
« La coiffe dans le monde chinois : un manifeste identitaire silencieux » par Bernard Formoso « Chimériques couvre-chefs » par Julien Bondaz
« Métissage, échanges et emprunts dans l’art océanien » par Christian Coiffier
« Cosmétiques capitales. Anthropologie et morphologie de la coiffe » par Bertrand PrévostPartie 3 : catalogue exhaustif de la collection

Extraits

Hélène Lafont-Couturier : Face à une coiffe, le premier réflexe serait d’avoir la tentation de l’essayer. Étiez-vous porté à le faire ?
Antoine de Galbert : Parfois oui. Mais j’ai appris un certain nombre de choses au contact des objets pour déceler leurs vérités. Par exemple, un objet trop lourd est souvent faux, car on ne peut danser avec dix kilos sur la tête. Ou encore, certaines couleurs de perles de pacotille qui ne sont apparues qu’au xxe siècle peuvent dater précisément une couronne yoruba. En réalité, on ne fabrique pas de fausses coiffes car leur valeur financière ne le justifierait pas. Tout au plus, elles sont faites pour les touristes. Dans le jargon, on parle d’objets d’aéroports.

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Mes amis me demandent souvent si telle coiffe est ancienne, alors que la seule question est de savoir si elle était portée. Une coiffe ancienne peut être parfaitement bidon et inversement. J’ai ainsi récemment acheté deux coiffes de mariage, magnifiques et toujours en usage, sculptées dans une sorte de racine aquatique que l’on trouve dans le fleuve Hooghly à Calcutta.

Tout nouvel achat de coiffe vous amenait-il à voir qu’il en manquait toujours une ?

Absolument, c’est la tragédie du collectionneur. Dans ma boulimie, je voulais en posséder des salles entières, mais il existe des millions de coiffes lega qui épuisent très vite notre soif, alors qu’il est quasiment impossible de s’offrir des objets inuit. Pour ces raisons, la collecte se raréfie avec les années. Et cela m’a démotivé. Néanmoins, aucun de mes voyages ne pouvait se concevoir sans que j’en revienne avec une coiffe. Mes derniers voyages, depuis que la donation m’a fait renoncer à chercher de nouvelles pièces, ont perdu de leur sel. Je suis devenu un chasseur sans fusil.

Une exposition décoiffante !

Il existe probablement autant de coiffes que de croyances dans le monde. Certaines coiffes ouvrent un accès au monde de l’invisible, tandis que d’autres sont indissociables des rituels spirituels et religieux. Ces couvre-chefs ne se cantonnent pas à protéger des éléments naturels, mais permettent aussi de se préserver des pouvoirs maléfiques des forces occultes.

Du cheveu à la coiffe

Les cheveux poursuivent leur croissance durant toute l’existence et symbolisent à ce titre la puissance et la vitalité. Cette signification conduit à ce que la chevelure entre dans la composition de certaines coiffes. En Chine, les coiffes des femmes miao à longues cornes sont des marqueurs ethniques spectaculaires. Plus discrètement, elles les relient à une lignée d’ancêtres. Les mèches de cheveux reçues des mères, grands-mères et arrière-grands-mères sont raccordées à leur propre chevelure également augmentée de tresses en coton. Cette « ligne de vie » permet aux vivants et aux parents défunts d’interagir (vidéo en ligne). En Papouasie Nouvelle Guinée, les Huli portent des coiffes en cheveux souvent teintes en rouge ou noir, qu’ils ornent de plumes, de fleurs ou de carapaces de coléoptères.

Une protection physique et symbolique

Au quotidien, les coiffes protègent du soleil et des intempéries, mais s’interposent également aux forces de l’invisible. La tête, siège des principes vitaux, et ses différents orifices – yeux, oreilles, nez, bouche – doivent être à l’abri de toute intrusion. Au 19e siècle, en Sibérie, on couvrait la tête des défunts avec des coiffes parsemées de décorations destinées à les protéger des éléments hostiles pour leur dernier voyage. En Chine, les futures mariées se préservent des forces maléfiques en portant un diadème avec des motifs reproduisant des scènes de la mythologie, des représentations d’oiseaux, de fleurs et de feuilles.

Toucher les dieux et les esprits

Des moines bouddhistes aux chamans, les couvre-chefs dotés d’un pouvoir magico-religieux, font partie intégrante des rituels.

Les moines boudhistes tibétains de l’école Gelupka sont reconnaissables aux bonnets jaunes qu’ils portent lors des cérémonies. En Papouasie-Nouvelle-Guinée, les kewa portaient une coiffe spécifique lors de danses rituelles qui étaient censées conjurer la maladie et la sécheresse. À cette occasion, de nombreux cochons étaient sacrifiés. Lors des danses qui ponctuent ces festivités, l’assistant, reconnaissable à sa coiffe, avait pour rôle d’encourager et de diriger les danseurs.

Révéler l’invisible

Dans de nombreuses sociétés, les coiffes prennent la forme de masques qui incarnent une entité spirituelle venue du monde des esprits ou des morts. Celles-ci ont alors vocation à aider au passage des défunts dans l’au-delà, à participer à l’initiation des jeunes ou à rappeler les codes de bonne conduite.

Le masque lukuta, particulièrement spectaculaire, incarnait chez les Bassari en Afrique de l’Ouest un esprit veillant à la continuité des rites. Il était porté lors des cérémonies d’initiation des jeunes garçons et lors des rites agraires. En Papouasie, les masques jipae représentent des personnes décédées qui reviennent pour un jour et une nuit dans leur village. Ils sont portés pour célébrer le passage des morts du monde des vivants vers celui des esprits.

L’entrée dans l’âge l’adulte, le mariage, la maternité, la mort, donnent lieu à des rituels aux cours desquels les individus revêtent une coiffe symbolisant cette étape de la vie ou ce passage. Les caractéristiques du couvre-chef permettent de situer à quelle période de son existence se trouve un individu.

Des objets de communication

Les coiffes permettent d’identifier au premier regard la place de chaque individu dans la société et de l’assigner à son rôle. Elles sont déterminantes pour l’organisation sociale d’une population. La nature des différents ornements, la richesse de la parure, constituent autant d’indicateurs qui nous éclairent sur l’âge ou la situation de la personne qui le porte.

En Namibie, une coiffure particulière correspond à chaque période de la vie d’une femme. Cette coiffe composée de cuir, de métal, de graisse et de terre, marque le statut de jeune fille en âge de se marier. En Chine, dans la province de Yunnan, tandis que les femmes âgées portent un couvre-chef orné d’un phénix, symbole de bonheur conjugal et de longévité, les petites filles se coiffent d’un calot décoré de fleurs évoquant les cinq filles d’or, un thème récurrent dans la tradition orale bai. La parure des bédouines mariées, tout en voilant le visage, révèle leur appartenance ethnique et leur fortune, et s’enrichit avec des pièces de monnaie, pierres, perles, etc., au fil des événements importants de sa vie familiale.

Rythmer la vie

Les rituels célèbrent les rythmes de la nature, et soulignent également les étapes du cycle de la vie humaine. Sur l’île de Bougainville, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, au cours des cérémonies d’initiation précédant l’âge adulte, les jeunes hommes portaient une imposante coiffe, ornée de motifs géométriques, en fibres végétales et à l’intérieur de laquelle leurs cheveux poussaient. Aujourd’hui, une représentation de cette coiffe figure sur le drapeau de la province de Bougainville. En Ouganda, le jeune homme porte une coiffe en fourrure de singe, destinée à donner une apparence temporaire de sauvagerie, rehausser sa force et montrer ses capacités à incorporer sans peur la violence de l’initiation. En Centrafrique, les garçons se couvraient d’un casque recouverts de piques de bois lors d’une cérémonie dansée marquant leur passage à l’âge adulte.

Autour du mariage

Entre ostentation et dissimulation, les parures nuptiales portent des symboles de prospérité et de fécondité permettant aux jeunes filles d’endosser leur statut d’épouse et de future mère sous de bons augures. Richement ornées, ces coiffes dotent parfois la femme d’une petite fortune dont elle pourra disposer en cas de besoin.

Le mariage est l’un des rites de passage les plus importants de l’hindouisme. Au Bengale Occidental, lors du mariage célébré selon le rite hindouiste, les mariés portent chacun un délicat diadème. Très fragiles, ils sont fabriqués en sholapith ou shola, une matière végétale blanche et spongieuse issue de la moelle de la nélitte d’Inde, une plante marécageuse (image page 5). En Indonésie, chez les Minangkabau, les préparatifs de mariage ont lieu dans la famille de la fiancée, et deux cérémonies sont nécessaires afin de concrétiser l’union des jeunes gens : l’une musulmane et l’autre dite « adat » honorant les origines des Minangkabau. C’est à cette occasion que les femmes portent le suntiang.

Valoriser l’esprit guerrier

Dans les contextes de conflits, ou lors de la chasse, les casques servent autant à protéger le guerrier qu’à valoriser les exploits qui font de lui un homme accompli. Ils peuvent être ainsi portés au quotidien, mais aussi au cours des rituels célébrant un acte héroïque, préparant la guerre ou exaltant la force des combattants. Entre Inde et Birmanie, jusqu’au 20e siècle, les chasseurs de tête nagas ramenaient la tête de leur ennemi, réputée stimuler la fertilité du groupe et favoriser l’abondance des récoltes. Le retour des guerriers était accueilli par des cérémonies et des danses au cours desquelles les hommes arboraient des parures, et notamment des coiffes, signalant leurs exploits meurtriers. Au nord des Philippines, chez les Ilongos, autre peuple chasseur de têtes, la victoire était célébrée lors de fêtes durant lesquelles les danseurs imitaient le vol de l’oiseau. Ces coiffes ornées d’un crâne de calao rouge, symbole d’énergie et de colère, ou d’un crâne de singe, étaient l’apanage des garçons devenus adultes après avoir tué un ennemi.

« Dis-moi ce que tu portes et je te dirai qui tu es ». La coiffe représente un moyen d’afficher son statut social au sein d’une communauté ou d’affirmer son appartenance ethnique. Les plus précieuses d’entre-elles constituent souvent un signe extérieur de richesse ou de pouvoir.

La coiffe comme étendard

Sur les marchés, au cours des fêtes saisonnières ou des cérémonies, on porte sa coiffe pour afficher fièrement son clan ou son appartenance ethnique. Arborer celle-ci peut également s’apparenter dans certains cas à un manifeste ou à un geste de résistance. Dans le Nord de la Thaïlande, les coiffes colorées des femmes akha fournissent des informations précises sur l’identité ethnique, le village de provenance et le lignage, à travers une ornementation très codifiée. Certaines coiffes sont ornées de pièces de monnaie datant de l’époque coloniale indiquant leur statut social. Les petites graines blanches appelées « larmes de Job » sont quant à elles, des symboles de fécondité et de richesse. Au 19e siècle, à l’Ouest du Canada, les Haïda revêtaient lors des cérémonies un chapeau à larges bords sur lesquels étaient inscrits leurs emblèmes familiaux : un moyen visible d’affirmer l’identité clanique.

La plume en Amazonie

En Amazonie, chaque population possède ses propres parures, déclinées à l’infini grâce à la grande variété des plumes disponibles dans l’environnement. Dans cette région du monde, plusieurs mythes fondateurs établissent un parallèle entre les plumes qui différencient les oiseaux et celles qui distinguent les sociétés humaines entre elles. Portés le plus souvent lors de rituels, les ornements permettent notamment d’exprimer la complexité de l’organisation sociale. Chez les indiens kayapo du Brésil, chacun a, selon ses origines, le privilège de se parer de certaines plumes. Le bonnet de plumes krãimrôjakati est lié à un récit mettant en scène le combat de deux personnages mythiques contre un aigle harpie géant. Les héros victorieux auraient créé la première coiffe à partir des plumes de l’oiseau.