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Dans le cadre de ses Soirées d’été 2023 au Château de Machy, situé aux portes de Lyon dans un édredon de verdure, les compagnies la première seconde et de la Chose incertaine, nous proposent cette année une pièce de Frédérico Garcia Lorca.
La Maison de Bernarda Alba – Synopsis
Un petit village Andalou, dans les années 1930. A la mort de son second mari, Bernarda Alba impose à ses cinq filles un deuil où l’isolement complet est exigé.
Mais autour de Pepe le Romano, le beau garçon du village, les convoitises percent bientôt les murs…
La Maison de Bernarda Alba – Critique
La première bonne idée du metteur en scène fut d’inverser le dispositif habituel : scène – gradins et de le placer face à une grange, avec une tourelle sur la gauche et un portail situé au fond d’un porche, pour le coté rural de l’histoire. L’ensemble du décor naturel est dominé par une pleine lune accrochée au ciel, très haut sur la droite.
Semblant coupé du monde extérieur et des hommes Bernarda et ses filles vivent en vase clos dans la maison familiale. Seule Angustias, fille aînée du premier mariage, est pourvue d’une dot confortable. Elle est fiancée à Pepe le Romano, qui en secret n’a d’yeux pour Adela la cadette.
Seule distraction pour ces jeunes vierges en dehors de la messe, de l’église et des prières à Dieu, est de se taquiner et de se chamailler malgré l’autorité de leur mère Bernarda qui met bon ordre dans sa maison.
Ce chef-d’œuvre de Federico García Lorca nous donne à voir dans ce huis clos, avec la force de vie, les chants et l’humour des Espagnols, comment le désir s’impose et conduit à la transgression. Les situations amoureuses sans solution sont résolues par la procréation d’enfant en dehors du mariage.
La seconde bonne idée a été l’association des compagnies Chasseloise La Première Seconde, Parisienne de la Chose incertaine et de la Comédie Poitou-Charentes (Centre dramatique national) pour Coproduire cette pièce et d’aller recruter de jeunes comédiennes chevronnées, formées au Cours Florent ou au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique (Paris) et à L’ENSATT (Ecole Nationale Supérieure de Théâtre) de Lyon.
Enfin, la troisième bonne idée fut la collaboration fructueuse entre la talentueuse comédienne Iris Aguettant et l’excellent metteur en scène Yves Beaunesne.
Au-delà de ces considérations générales concernant l’introduction au spectacle il me semble nécessaire de revenir un court instant à l’auteur espagnol Frédérico Garcia Lorca et les conditions particulières de l’écriture en prison de cette dernière pièce, avant son exécution sur ordre du dictateur Franco.
Si la Maison de Bernada Alba n’est pas directement une pièce politique au sens où on l’entend généralement, elle dénonce néanmoins un pouvoir fanatique, intolérant qui ne tolère aucun manquement aux règles strictes qu’il impose dans les années 1930-36 à une population soumise, cadenassée par la tyrannie et par contrecoup le rôle très secondaire qu’occupe la femme dans une Espagne rurale, très catholique et archaïque du début du XXe siècle. Si les temps ont changé force est de constater que la position des femmes a fait heureusement un bond considérable aujourd’hui sans pour autant atteindre l’égalité avec les hommes.
Une mise en scène brillante
Du coté espace scénique, Yves Beaunesne a opté pour l’épure en matière de décor avec l’implantation de quelques meubles afin de faire la part belle au jeu des comédiennes. En ce qui concerne la référence au désir de Lorca d’être musicien, il a introduit avec finesse et intelligence dans sa mise en scène brillante des partitions musicales formidablement exécutées au violoncelle par Eveline Causse, au piano par Milena Csergo et à l’accordéon par Johanna Bonnet-Cortès, ainsi que des chants populaires qui nous ont régalés, grâce aux voix harmonieuses des comédiennes.
Faisant feu de tous bois, celui-ci, entre vêtements noirs portés pour le deuil et robes banche symbolisant la virginité, la joie et la vie, a su jouer sur les couleurs et introduire avec bonheur des danses populaires exécutées par les cinq filles afin d’agrémenter l’ensemble de la prestation.
Un texte d’une incroyable beauté
Dans ce spectacle complet qui allie avec brio le verbe, la musique, le chant et la danse la mise en scène d’Yves Beaunesne, alerte et réglée au millimètre, nous permit d’assister à une pièce de grande qualité et de gouter au plaisir d’ entendre avec simplicité et force, les mots d’un texte d’une incroyable beauté .
Saluons au passage la prestation extraodinaire de toutes les comédiennes à commencer par Iris Aguettant qui campe avec conviction une mère psycho-rigide qui dirige sa maison d’une main de fer.
Fabienne Lucchetti (Poncia) régente formidablement bien avec esprit et roublardise la maison au coté de Bernarda.
Cécile Maudet, incarne avec soumission et discrétion la servante.
Quant à la charmante et talentueuse Adela (Héloïse Cholley) elle joue une jeune fille éprise de liberté qui s’émancipera en aimant à sa guise l’homme réservé à son aînée Angustias, avant de glisser après le péché de chair vers un destin tragique.
Une représentation exceptionnelle
Quant à Magdalena (Manika Auxire), Martirio (Milena Csergo), Amélia (Zelinda Fert) toutes trois filles de Bernarda, aux talents multiples et aux voix cristallines, elles rêvent d’une vie libre où le qu’en dira-t-on ne viendra pas entacher leur bonne humeur.
Trahie par sa cadette et son amoureux, Angustias ( Johanna Bonet-Cortès) cachera avec dignité ses larmes et ses douleurs après sa terrible déconvenue.
Retenons simplement que nous avons assisté au château de Machy à une représentation exceptionnelle et que nous recommandons vivement cette pièce à tous les amoureux d’un théâtre engagé et du grand Art.
Gérard SERIE
Château de Machy
69380 Chasselay
Compagnies La 1ère seconde et de la Chose Incertaine
27 juin au 8 juillet 2023 à 21h
La Maison de Bernarda Alba de Frédérico Garcia Lorca, Mise en scène Yves Beaunesne avec Iris Aguettant, Manika Auxire, Johanna Bonnet-Cortès, Eveline Causse, Héloïse Cholley, Milena Csergo, Zélinda Fert, Fabienne Lucchetti, Cécile Maudet
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