Sarrazine – Théâtre de Villefranche-sur-Saône

Sommaire

Théâtre de Villefranche

De Julie Rossello-Rochet. Mise en scène Lucie Rébéré avec Nelly Pulicani

Thème

Née à Alger en 1937 de père et mère inconnus , elle est adoptée par un colonel de l’armée française à 2 ans. Brillante élève à Aix en Provence à 10 ans, on la retrouve à Marseille 5 ans plus tard en maison de redressement. Prostituée à Paris à 16 ans, elle est condamnée pour vol à main armée à 18 ans. Elle s’évade à 20 ans.. Grand amour ! elle se marie à 22 ans. A 27 ans elle est auteure de romans à succès : La Cavale, L’Astragale La traversière. Albertine Sarrazine meurt à 30 ans d’une opération mal préparée.

Mon avis

Très belle surprise pour les spectateurs que cette » Sarrazine » en ce début d’année. Il faut dire que la vie mouvementée d’Albertine Sarrazin fut courte mais intense. Cette poétesse des prisons françaises était une femme résolument libre et passionnée.

Du coté du dispositif scénique, la metteuse en scène a opté pour un décor épuré : deux gradins bi-frontaux séparés par une bande de revêtement gris représentant un boulevard, un couloir étroit de prison …avec du coté cour (à droite) une baignoire, un miroir, une étagère sur laquelle trône un poste de radio, le tout contre un pan de mur, percé en hauteur par une fenêtre avec des barreaux.

C’est dans cet espace quasiment clos que la comédienne va nous entrainer dans l’intimité de son corps pour faire revivre l’ existence cabossée de Sarrazine.

Affichant un large sourire, Nelly-Sarrazine entre coté coeur, traverse d’abord l’espace scénique jusqu’à la baignoire en nous regardant un à un . Cartons entre les bras, elle va les déposer près de celle-ci sur le sol, tandis que la radio diffuse un bulletin d’information annonçant le décès d’Albertine Sarrazin.

C’est pourtant elle, bien vivante, qui s’immerge ensuite dans la baignoire,. Ce seul élément aussi intime qu’impudique est à la fois porteur de vie et de mort.

C’est un spectacle qui carbure à l’énergie de la comédienne quand elle prend possession de tout l’espace. Elle nous raconter avec sa gouaille , au rythme de ses rencontres entre Paris et le Sud ,ses aventures entre amours et incarcérations. Pour donner plus de sens et force à ses propos , elle se déplace sans cesse de gauche à droite, se lance dans une danse endiablée, interpelle directement le spectateur, avant de lui offrir fièrement ses trois livres en guise de revanche et victoire. C’est magique et grandiose à la fois. Son interprétation est époustouflante parce que Nelly Pulicani réussit à nous livrer une performance véritablement physique à nulle autre pareille.

1h30 d’émotion intense pour les spectateurs allant presque jusqu’au vertige

La mise en scène précise et pleine de trouvailles à la fois est à peine visible. Pour incarner son héroïne, il fallait une comédienne hors norme. Lucie Rébéré a choisi Nelly Pulicani, pour sa ressemblance physique avec la romancière Albertine Sarazin mais aussi et surtout pour son immense talent qui après s’être formée à l’ Ensad de Montpellier, l’Ensat de Lyon et passée par la Comédie Française, est capable de se glisser dans n’importe quel personnage du répertoire .

A l’écriture nous retrouvons Julie Rossello-Rochet, une auteure confirmée et brillante , qui a ciselé chaque réplique de manière courte, efficace, afin de coller parfaitement à la nature propre du personnage. Chaque parole prononcée est là pour renforcer l’intensité des sentiments de la jeune marginale, alimenter le discours d’une amoureuse en proie parfois à ses délires. Le résultat est réussi.

En 1h30 d’émotion intense pour les spectateurs allant presque jusqu’au vertige, la boucle est bouclée et ces derniers encore sous le choc d’avoir assisté à l’évocation d’une telle histoire, applaudissent à tout rompre . Après le final, elle vient saluer le public presque étonnée et intimidée par une telle reconnaissance.

Gérard SERIE

Sarrazine – Théâtre de Villefranche-sur-Saône

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